PSG : le banc et les poissons
Le PSG trouvera plus facilement un nouvel entraîneur que de nouveaux actionnaires, à en juger par le nombre de candidats déjà déclarés. Compétences requises en matière de résurrection, ancienneté au club facultative...
Auteur : Pierre Martini
le 22 Avr 2003
La campagne pour la succession de Luis Fernandez est ouverte, Le Parisien se chargeant de recueillir des déclarations de candidature en série. Il est vrai que le départ de Fernandez étant acquis (sauf si celui-ci s'accroche à son poste de manager général, ce qui nous voudrait des situations cocasses), rien ne s'oppose à ce que le recrutement commence, d'autant que comme le signale Raymond Domenech, un des postulants déclarés, le futur technicien devra se mettre très rapidement à la tâche. À la suite de la rumeur Vahid Halilhodzic, de la piste Guy Lacombe et de l'option interne Antoine Kombouaré, les options semblent nombreuses, mais le choix n'en est pas moins ardu. Bernard in the house Voilà que Bernard Lama, après avoir tenté de relancer sa carrière de gardien à Birmingham City, déclare: "Entraîner le PSG serait un honneur pour moi" tout en regrettant la mise à l'écart des anciens ("cela reste un mystère pour moi") — notez l'importance du "pour moi" dans un discours du candidat, que l'on reconnaît également à sa façon de poser ses conditions et d'accabler les dirigeants susceptibles de le recruter... Lui-même n'a pourtant pas toujours été extraordinairement respectueux de l'image du PSG, qu'il critiquait abondamment jadis (voir Lama, les travers de la médaille, décembre 99, ainsi qu'un des tout premiers articles des Cahiers du foot début 1998, nouvellement archivé et consistant en une adaptation très libre de la fable de La Fontaine, Le Héron). Siège ou strapontin pour les anciens ? Quelques "anciens" de la glorieuse ère Denisot, la trentaine finissante, se verraient donc bien titulaires du banc parisien, ou du moins intégrés au staff. Une ambition fort légitime, du moins si l'on adhère sans réserve à la théorie de la nécessaire présence des anciens dans un club (comme le formule Bernard Lama, "les grandes équipes sont gérées par des anciens. Ils perpétuent l'état d'esprit maison. C'est davantage ancré dans les mentalités à l'étranger"). Ce lieu commun (qui est aussi en vigueur à Saint-Étienne — voir Château creux) mérite pourtant d'être examiné d'un peu plus près, car s'il n'est pas contestable sur le plan de l'identité d'une équipe, il est plutôt contradictoire avec les exigences et les contraintes du métier d'entraîneur. On cite beaucoup les exemples de réussite en la matière, en omettant qu'elles sont très marginales. Si Leonardo, parmi des dizaines d'autres joueurs qui sont passés au Milan AC, est invité à rejoindre son équipe dirigeante, c'est parce qu'il a d'évidentes capacités à exercer des responsabilités. Il devra quand même faire ses preuves, car le milieu ne pardonne pas longtemps l'incompétence (sauf à Strasbourg évidemment). Il faut aussi se rappeler qu'à Paris Bats, Ricardo étaient des joueurs mythiques, et qu'au moment de leur éviction, personne n'a évoqué cette qualité pour plaider leur cause. Fernandez a efficacement joué la carte identitaire, mais il n'avait plus aucun autre argument en sa faveur, et celui-ci n'a fonctionné que par contraste avec une direction excessivement désincarnée. À ce niveau, et a fortiori dans un club aussi compliqué et ambitieux que Paris, le premier critère semble devoir être celui d'une crédibilité acquise par le biais d'expériences antérieures. Paul Le Guen ou Didier Deschamps ne se soucient pas d'évoluer dans leurs anciens clubs et savent parfaitement que leur compteur était à zéro au moment de commencer leur seconde carrière. En revanche, la raison devrait inspirer aux dirigeants une intégration progressive de ceux qui d'une façon ou d'une autre, ont fait leurs classes. Antoine Kombouaré, qui a dirigé avec compétence la réserve pourrait ainsi devenir l'adjoint du futur entraîneur et d'autres anciens devraient trouver place dans l'organigramme. Les mirages du passé Cette génération qui fait à bon droit sa propre promotion (Fournier, Guérin, Bravo et quelques "ex" masqués s'expriment dans Le Parisien), s'appuie sur la nostalgie du mandat Denisot. Pourtant, à l'époque où celui-ci a quitté ses fonctions, son bilan était considéré comme très mitigé. Il y avait là quelque injustice, mais celle-ci n'est apparue que rétrospectivement, en comparaison du vide intersidéral qui a suivi. Le paradoxe est que la dernière saison "digne" du PSG (doublé Coupe de France - Coupe de la Ligue en 98) était aussi la dernière de Michel Denisot, et qu'elle fut considérée comme un échec. Même l'année du titre européen se termina dans un certain marasme, et la régence de Denisot, qui culmina de 94 à 96 mais ne comporta qu'un seul titre national, donnait une image radicalement différente de celle d'aujourd'hui. Qu'on se souvienne du portrait du Berrichon fait par les Guignols pendant toutes ces années (2) et des épisodes tragi-comiques comme celui du fax ou de PSG-Juventus… Domenech et Domergue jouent aux dominos Sans autre antécédent qu'une saison en tant que joueur et en des temps immémoriaux (81/82), Raymond Domenech, remis de l'échec de sa candidature au poste de sélectionneur national, est bien décidé à imiter ses ex-collègues de la DTN qui ont su valoriser leur expérience. Il s'est déclaré assez franchement en affirmant sa foi dans les potentialités du club de la capitale. Selon le Parisien toujours (19/04) l'entraîneur des espoirs pourrait retrouver sur son chemin celui qu'à la surprise générale Claude Simonet voyait bien succéder à Roger Lemerre l'été dernier, peut-être sur la suggestion de Platini. Jean-François Domergue a en effet le profil "sage" qui pourrait avoir la préférence des dirigeants parisiens, comparativement aux lunatiques comme Domenech, Halilhodzic ou Tigana. Le manager havrais a déjà été directeur administratif puis directeur général adjoint du Paris Saint-Germain de 1992 à 2000. Chargé des relations avec les supporters, il n'a pas laissé que des bons souvenirs à ces derniers. Il fut un instant pressenti pour prendre la suite de Giresse à l'automne 98 et fit partie du "comité sportif" chargé de chaperonner Fernandez à la fin de la saison 95/96. Comme il y a de la place pour bien d'autres noms, on en restera là, mais devant cet afflux de postulants, il faut bien reconnaître à la fois leur témérité et l'attractivité du Paris Saint-Germain malgré sa situation actuelle. Car prendre la tête d'un club qui reste sur des échecs en série, dont les moyens financiers sont sur le point d'être réduits drastiquement et sur lequel plane encore tant d'incertitudes, ne relève pas de la sinécure. Quoique. On peut penser que c'est justement le bon moment, celui où tout le monde en est réduit à ne plus y croire du tout, celui d'un retour à plus de modestie — celle-ci s'accompagnant généralement de plus de cohérence. Un peu comme l'OM l'an passé… Reste, donc, à trouver le Alain Perrin parisien. (1) Un sketch inoubliable consistait un lent travelling arrière montrant Denisot sur un tracteur et révélant qu'il se trouvait au Parc des Princes, avec cette déclaration du président: "La saison prochaine au PSG, on fait du maïs".