Refoulons le refoulé
La rédaction sollicite ses lecteurs pour la mettre sur la bonne voie, à la veille d'un Euro qui pourrait réveiller les ennuis gastriques de L'Équipe et de vieilles polémiques inutiles.
Auteur : Euroniouzes, le journal de l'Euro
le 8 Juin 2004
Ce serait une catastrophe d'autant plus terrible qu'on ne la croyait plus possible, qui nous plongerait dans un océan de désarroi, ferait resurgir des spectres hideux que l'on croyait exorcisés et réveillerait nos propres démons. Vincent Duluc a-t-il rechuté? C'est un diagnostic que l'on peut redouter à la lecture de L'Équipe de ce lundi. Ayant été de nouveau chargé de l'équipe de France à la faveur d'un remaniement interne au quotidien sportif en début d'année, on croyait que notre confrère préféré avait rangé ses obsessions, que 2002 avait enterré 1998 dans son esprit, que les vieux contentieux étaient oubliés et qu'il nous ferait profiter de son excellente plume pour narrer sans arrière-pensées les aventures des Bleus… Las, son compte-rendu de France-Ukraine laisse imaginer le pire. On peut très bien concevoir que la rencontre de dimanche ait laissé les observateurs sur leur faim, mais de là à affirmer carrément que les Bleus ont "sauvé les apparences" et "ne sont pas prêts", que "l'ennui et parfois l'inquiétude ont accompagné [leur] dernier match amical" — "un match sans rythme, sans attrait et pratiquement sans occasion", "dominé sans beaucoup de pétrole et sans beaucoup d'idées"… Il va même jusqu'à parler de "la profondeur du vide dans laquelle nous emmena ce match", et à demander s'il faut "s'inquiéter, refaire les prises de sang, repenser tous les schémas, alors que ce n'est plus l'heure", avouant même "que le souvenir de leur faiblesse athlétique de 2002 [lui] est revenu par flashes". À cette poussée inopinée d'acrimonie défaitiste en nette contradiction avec la façon dont le match a été perçu partout ailleurs, trois ordres d'explication sont possibles. Explication 1. La contrariété Vincent a repris deux fois du porc à l'aigre-douce avant le match et il l'a très mal digéré (ce qui expliquerait les "flashes" de 2002), ou bien il a été contrarié de ne pas avoir été cité dans le dernier numéro des Cahiers, ou encore Jacques Santini l'a énervé à Clairefontaine en lui sortant une vanne, le sélectionneur étant d'humeur espiègle en ce moment. Explication 2. Le retour du refoulé Vincent est encore possédé par la névrose enfouie au plus profond de la rubrique football de notre quotidien sportif, faute d'avoir été soignée par un traitement psychanalytique adéquat. Du coup, il continue de faire de 1998 une plaie encore ouverte, de perpétuer un triste héritage et les préceptes de l'école de la malveillance, dont nous rappelons qu'elle consiste à : > Miser sur un échec (même un échec en finale fait l'affaire) pour faire valoir qu'on avait raison, qu'on l'avait bien dit. > Capitaliser sur l'auto-flagellation, sport national. > Prendre ses opinions pour des vérités immanentes et parler avec la voix du plus fort. > Postuler l'incompétence du sélectionneur, attestée par sa syntaxe, son élocution, son injustifiable préférence pour le Dugarry du moment ou son transfert à Tottenham (rayer la mention inutile). > Préparer le goudron et les plumes avec un couteau dans la manche, et l'objectif du futur procès devant le Tribunal de presse. Explication 3. La fixette des Cahiers Nous avons rêvé le ton vaguement menaçant de cet article, sur-entendu ses sous-entendus à cause d'un mauvais réglage de sonotone, nous avons été pris au piège paranoïaque de nos propres obsessions et nous sommes menti à nous-mêmes en affirmant que nous voudrions nous épargner de mener une nouvelle contre-instruction pour démonter la stratégie de L'Équipe (comme il y a six ans, comme il y a quatre ans, comme il y a deux ans), parce qu'en fait les obsédés, c'est nous. Dans le premier cas : Vincent, prends un Alka-Seltzer, ça ira mieux dimanche. Dans le deuxième cas : Merde Vincent, déconne pas, pète un coup, montre un peu d'amour pour l'équipe de France, convainc-toi que la vengeance n'est pas un plat qui se mange frelaté. Si tu continues, on va t'allumer et comme la moitié de tes confrères nous lisent, ils vont se moquer de toi à la cantine. Dans le troisième cas : Camarade lecteur, viens en aide à une rédaction qui perd pied, qui tourne en rond dans sa cellule en ressassant ses vieilles marottes. Apaise nos angoisses, dis-nous que non, rien n'indique une rechute de VD et de ses compères, que France-Ukraine ne méritait pas mieux que deux étoiles (le score moyen d'un Ajaccio-Guingamp ou d'un Montpellier-Le Mans), que tu t'en fous de toute façon. Ordonne-nous de lâcher le morceau, accuse-nous au passage d'être excessivement fleur bleue avec l'équipe de France, mais ne nous laisse pas, à la veille de l'Euro, glisser vers la sénilité et le radotage…