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Saint-Diego

Le génie n'a rien à voir avec les bonnes manières, ni avec la toxicologie… Maradona a illuminé le football de sa mauvaise étoile, et peu importe la chute quand on est allé si haut.

Auteur : Grégory Protche le 12 Fev 2003

 

(Texte paru dans Get Busy n°2)

 

1986: la féerie est pour cette fois. À Mexico, Diego Maradona s'offre la planète foot. Et jongle avec mieux que Charlot. Héritier du Roi Pelé, Prince de la balle, et Baron de la gruge. 1990: Italie. Diego pleure. Il laisse les Allemands gagner pour faire rire les Italiens.

 

1994: Diego découvre l'Amérique, et, après avoir purgé une suspension pour coke, il entre en cours de jeu contre la Roumanie. Amorti de l'extérieur, petit crochet pousse-pousse, de l'extérieur toujours, et frappe fouettée. Sous les hourras d'une foule, au fond, ravie de retrouver son chéri. Diego "Montana", hurle aux caméras, "le monde est à moi!" Ses coéquipiers sourient. Sans lui, ils sont une équipe nationale. Avec lui, ils sont l'Argentine.

 

 

Mais le monde du foot en a marre de se pincer le nez chaque fois que Diego shoote. Ils ont décidé de soigner l'image du sport, en enfonçant, définitivement, celui de Diego dans une scarfacienne montagne de coke. Ils répondent ainsi à plein de questions jamais posées. Pourquoi un doué doit-il être exemplaire? Même poudré à mort, le but contre les Roumains, qui d'autre le met? Qui dans le foot est assez clean pour le juger? Quand on se conduit gentiment, qu'on a bon esprit, qu'on joue sans came ni talent en équipe de France, on apporte quoi à qui? À 6 ans, lorsqu'on le filmait en train de jongler, c'était déjà la blanche qui faisait de lui un demi-dieu? Sera-ce toujours le sort réservé à celui qui fait d'un sport collectif un art individuel?

 

Oui, à Boca Juniors, au Barça, à Naples, ou en équipe d'Argentine, ils étaient onze, mais dix des onze jouaient pour le 10! Maintenant que Diego Armando Maradona est mort au champ du déshonneur sportif, on va peut-être enfin pouvoir parler de tout ce qu'il a apporté. De son œuvre, de son lyrisme catho-latino, de ses frasques pour fresque, de ses dribbles, de son rire gâté d'enfant qui n'a pas grandi. Il était temps.

 

D'abord, ne confondons plus le dopage qui fit de Ben Johnson un surhomme, et la poussière d'ange qui, chaque jour davantage, ramène Diego à des proportions humaines. De même que le coupable, comme on se plaît à nous le répéter, n'est pas le dealer, mais le camé et la société qui le fabrique, ce n'est pas que Maradona sniffe la vraie question. Ça, c'est un fait, une affaire personnelle, entre Dieu et lui... Le vrai drame, c'est qu'une société démocratique avancée n'ait d'autres exemples d'ascension sociale à offrir à sa jeunesse qu'un sport où "il y a beaucoup d'appelés et peu d'élus". Elle est là, sur le plan moral, la terrible victoire de l'Oncle Sam et de son modèle.

 

 

Ça, c'est plus honteux que la came qui coule des yeux bouffis de Maradona. On ne peut pas indéfiniment accuser le symptôme d'être une cause. Un gosse ne devrait rien avoir à foutre des démêlés de Diego 1er avec la drogue. Il devrait juste jouir de le voir faire l'amour à huit défenseurs anglais en 86, comme lui dans sa cour de récréation. Le sport n'est pas, n'a jamais été, ne sera jamais autre chose qu'un moyen de se défouler. En tout cas pas un moyen de s'intégrer, de s'en sortir, une école de la vie, ou Dieu sait quelle autre baliverne de sociologue tiré d'affaire.

 

Si un enfant rêve de devenir architecte, peut-être Maradona peut l'y aider en le rendant heureux. Mais si ce même enfant rêve de devenir Maradona, l'architecture, même en rêve, il n'y aura pas accès. Le foot, c'est un sport. Et, quelques secondes durant, quand Maradona joue au plus fin, au plus "wané", ça peut devenir... autre chose! Quand, de la main gauche, il écartèle le gros Shilton: un hommage aux burlesques. Quand, sans élan et sans regarder, il lance Caniggia à cinquante mètres de là: un éclair bleu et blanc dans la grisaille verte. Quand Diego et ses grosses cuisses pleines de poils court plus vite que la lumière: la fin du monde pour le reste du monde. Quand il se met, au lieu de s'échauffer, à jongler avec son talon cent fois de suite: un conte de Noël pour les grands au mois de juillet.

 

 

On ne demande pas à un ange, même issu d'un quartier défavorisé, de devenir éducateur. C'est un destin de perdant. De boxeur français. En même temps qu'un très suspect moyen de canaliser les énergies banlieusardes... Que les présidents argentins aient besoin d'un Maradona, blanc comme de la poudre aux yeux, pour policer la marmaille, ça regarde les Argentins.

 

Mais il n'est plus tolérable d'entendre un Thierry Roland regretter haineusement que Maradona finisse si mal. Qu'est-ce que ça peut bien lui foutre à lui!? Quand encore il ne vient pas pontifier que Maradona "ternit" l'image du sport et offre un bien triste exemple pour la jeunesse... Lui qui travaille sur une chaîne où le spot de pub en finale de la coupe d'Europe est facturé à 800 000 balles, qui a à son actif plus de bévues verbales qu'un Le Pen en grande forme, et qui tait depuis tant d'années tout ce qu'il sait sur les enculés argentiers du si dégueulasse football!

 

Seuls les fans de Diego ont le droit de lui reprocher quelque chose. Comment insulter assez pour les faire taire ceux qui cautionnent, en le commentant, un sport dont la pourriture n'est plus à démontrer, et qui s'en tirent en tirant sur son dernier bon-mauvais génie? Les anges, c'est comme Dieu. Ils ne sont pas forcément bons, sympas et gentils comme au catéchisme. Les anges doivent être justes. Diego Maradona jouait juste. Il nous a été envoyé pour nous faire rêver. Il l'a fait. Le rôle d'un génie, c'est de faire évoluer sa discipline. Point de morale là-dedans. Flaubert l'a dit. Et si Maradona n'est pas Baudelaire, rien ne l'oblige non plus à se conduire comme Mère Teresa.

 

 

Dans la vie d'une Humanité, un Maradona, ça s'étudie. C'est précieux. Même ses relations avec la schnouff sont passionnantes, pour peu qu'on les dé-moralise. La grâce dans un mètre soixante-trois, ça c'est de l'énigme physiologique à résoudre. La simultanéité entre la pensée et l'action, ça mérite bien quelque analyse qui ne serait pas sanguine. La beauté, nichée au creux d'un coup de pied, ça s'estime, ça se note. Les incidences, en termes de dribbles, de déséquilibre, d'un très bas barycentre, ça se documente. Pour une fois que le virtuel servirait à quelque chose d'essentiel! On prendrait une action de Maradona, et, au ralenti, on la regarderait sous tous les angles différents possibles, et peut-être qu'enfin on comprendrait...

 

C'est ça aimer le foot. Ce n'est pas seulement se branler sur les victoires d'un petit club bien de chez nous, avec un budget bien petit, et un entraîneur bien Guy Roux, qui ferait la nique aux PSG et à l'OM. En vérité, le seul crime de Diego Armando Maradona, c'est d'avoir été trop beau. Et d'avoir, comme Muhammad Ali avec la Boxe, fait renaître le foot, avant de le tuer.

 

Ce n'est pas grave, l'Amérique latine est sûrement déjà enceinte. Maradona, comme Ayrton Senna, est de ces hommes qui meurent de leur art. D'autres préfèrent en vivre. Comme certains adultes racontent des histoires aux enfants, il y a des enfants de 35 ans qui rendent les enfants et les adultes heureux.

 

Alors, au lieu de vengeressement pleurnicher sur sa fin, d'ironiser grassement sur sa brioche, de le pointer du doigt pour crime de lèse-exemplarité, de moquer la vulgarité de sa compagne, au lieu, en somme, de le condamner parce qu'on n'est pas capable de le juger, réjouissons-nous, même si nous ne le verrons plus sur un terrain: Diego Maradona est vivant. Le Pape et Castro l'ont rencontré.

 

Réactions

  • NoNo93 le 12/02/2003 à 14h21
    En tout cas le Diego nous améne de nouveaux forumistes (à moins que ce soit RFI, dur quand même pour le diego çà si c'est vrai)

  • Bobby La Pointe le 12/02/2003 à 14h26
    Effectivement, comme le disais tyty je crois, c'est à se demander si l'article n'a pas été publié pour être démoli par la suite car en substance, les principes fâcheux (nausé)abondent :

    1) Si tu as du talent, tu as le droit d'ouvrir ta gueule et dire n'importe quoi (c'est donc pour ça que Youri et Franck se font régulièrement descendre)/

    2) Si tu as du talent, tu as le droit de tricher (pauvre Fiorèse)

    3) Si tu as du talent, toutes tes erreurs seront pardonnées (pauvre Eydelie)

    4) Le principeal c'est le rêve (alors arrêtez d'embêter Aulas et Bouchet pour qu'ils nous construisent du rêve à coups de millions d'euros)

    C'est d'autant plus surprenant que la Rédac ne se privait pas d'allumer Canto sur ses quelques déclarations tapageuses (voir "King Con"), mais l'accent argentin doit mieux passer que le marseillais.

    Enfin, l'argument "Nous tout ce qu'on veut c'est du rêve, alors le reste on s'en fout, merci mais en tant que marseillais j'ai déjà donné

  • El mallorquin le 12/02/2003 à 14h27
    Je vous trouve particulièrement durs avec ce texte. A la première lecture, j'ai eu le sentiment de lire des prises de position avec lesquelles je n'étais pas d'accord, mais jamais de propos scandaleux qui mériteraient une telle levée de boucliers. Je trouve en outre certaines de vos accusations particulièrement exagérées, entre autres celles liée au style ou au champ lexical de cet article…
    J'y ai aussi lu quelques interrogations légitimes sur le rôle du sport en tant que facteur d'intégration sociale, sur la légitimité de certains membres du milieu du foot à juger leurs "pairs"…
    Bref, cet article est loin d'être mesuré, mais les réactions que je lis me semblent totalement disproprotionnées...

  • baygonsec le 12/02/2003 à 14h31
    avoue que tu y es allé un peu fort mayo...
    ;-)))

  • NoNo93 le 12/02/2003 à 14h37
    Fallais pas décider de le diffuser MAyo ;-)))

  • El mallorquin le 12/02/2003 à 14h39
    Ouhlà, ce post est une piètre plaidoirie d'avocat, NoNo ! Je pense que "la rédaction" te justifiera sans doute beaucoup plus finement et dans un style nettement plus abouti le pourquoi du comment -si elle le fait- !

  • El mallorquin le 12/02/2003 à 14h44
    Disons que de manière générale, je trouve que l'accueil fait aux articles qui paraissent dans cette "Tribune des lecteurs" est particulièrement sévère. Je ne nie pas le droit à la critique, mais je trouve que ceux qui s'y adonnent devraient faire dans la mesure, en se rappelant qu'ils n'ont pas consenti les efforts du rédacteur de l'article... Un peu d'indulgence serait de bon ton, d'autant plus quand il s'agit de critiques qui concerne plus la forme que le fond...

  • Repp le 12/02/2003 à 14h44
    Tiens, je ressors ce post d'Enzo (sans sa permission, qu'il m'en excuse) qui date de l'ancienne formule des Cdf (novembre 2001).
    Je précise que je ne suis ni fan du Principe ni de Diego, mais pour un beau post c'était un beau post :

    " Oraison funèbre pour un petit gros et des lambeaux d’enfance L’ENFANT TRANSFORME EN OR TRANSFORME EN PLOMBDiego, c’est Rimbaud, un sale gosse, c’est l’immédiateté et le génie du geste, ce n’est plus la vision mais la voyance, l’invention d’un jeu que les autres n’arrivent pas même à imaginer et sûrement pas à reproduire. Diego, c’est Rimbaud, c’est les voyelles, l’alphabet primal du foot : A, milieu du nom et milieu du terrain, Armando, passerelle oubliée entre un nom et un prénom offerts à l’universalité ; E, strié comme des barreaux, échelle d’ascension sociale, cadenas des défenses assassines, rayures du maillot ; I élancé comme la corde raide, paroi à risques, terrain de jeu des funambules, paille étoilée recouverte de la poussière d’ange ; O, rotondité, ventre, ballon, le corps et la balle, une même boule, le cercle parfait ; U, courbes et demi-tours, dribbles chaloupés, amours de coup-francs qui caressent les cheveux des défenseurs et viennent se lover dans les lucarnes. Diego, c’est ce salaud de Rimbaud, qui a décidé un jour, encore enfant, d’arrêter de jouer au foot ou de jongler avec les lien Mais je vois déjà la mort qui s’approche, avec sa gueule moche de grenouille bancroche. » T’as raison, lien c’est quoi ce bordel ?? C’est quoi, ce lundi pluvieux de merde qui n’en finit plus de s’étirer de tristesse. C’est ça, l’ex-meilleur joueur du monde, ou ce qu’il en reste ?? Cet obèse, ce pantin boursouflé avec sa démarche pathétique et ses yeux bouffis, ce petit gosse perdu au milieu d’un terrain bien trop grand pour lui et qui chiale à n’en plus finir. Et pourtant, ça doit bien être lui, parce qu’ils sont tous là autour à essayer de le consoler, à le prendre par les épaules, à l’entourer de regards et de gestes d’affection… La drôle de troupe, pour un enterrement de première classe. Quelques artistes, Francescoli, Valderrama, Higuita… des caractériels, Stoichkov, Canto… et plein d’autres convives, et ces joueurs argentins appelés à lui succéder, à porter le célèbre maillot rayé de ciel et de nuages trop large pour eux et qui n’en reviennent pas d’avoir joué avec lui… avec son ombre. Alors c’est bien vrai, ce délire, c’est pas des conneries ?? Un jour Dieguito aura 41 ans et il arrêtera de jouer au football ?? Un jour nous serons adultes et nous commencerons à vieillir, en même temps que lui ?? Franchement, je n’avais pas bien réalisé, jusqu’à ce je voie les images et que je lise les déclarations. Enzo, prince de l’élégance, jusque dans ses larmes, qu’il laisse couler discrètement au bord du terrain : « C’était tellement important qu’on puisse faire quelque chose susceptible de le rendre heureux ». Platoche : « Je crois qu’il a enfin réalisé qu’il ne rejouera plus jamais autre chose que des petites parties entre amis. Jusque là, je sais qu’il était convaincu de revenir et c’était déraisonnable. Cet espoir irréaliste le maintenait dans un état de dépression. Je crois qu’il a franchi un pas important en comprenant que sa vie devait continuer autrement. Il m’a dit qu’il viendrait à la FIFA nous donner un coup de main et j’en suis très heureux. J’espère qu’il ira au bout de cette intention. Ce serait bon pour le jeu, bon pour Maradona… » Sans déconner, Michel, tu comprends vraiment rien à rien… enfin, si tu comprends tout, mais t’es juste un putain d’enfoiré d’adulte. Où t’as vu que les enfants grandissent, qu’ils deviennent raisonnables ?? T’y crois vraiment deux secondes, à ce tableau : Diego en train de faire de la diplomatie et des manœuvres politiciennes dans les couloirs des grandes instances sportives, Diego qui serait soudain capable de nager dans un aquarium de grands requins avec sur le dos l’un de ces tristes pardessus grisâtres de dirigeants qui semble tant te plaire ?? Tu me débectes, tiens, avec ta soif de pouvoir, tes ambitions, ton intelligence, ton influence, ta rationalité, ta stature de héros national propre sur lui… ça te sert à quoi tout ça, si t’es même capable de consoler un gamin qui pleure ? Si t’as aucune réponse à lui apporter ??Diego pleure sur sa mort. Putain, qui c’est qui nous a fait croire que les enfants ne peuvent pas mourir, et leurs rêves non plus. En perdant le terrain, Maradona, qui était le jeu, son incarnation même, perd tout. Sa raison de vivre, son sens et son essence. Le foot a fait Diego, et il le lui a bien rendu. Diego est un enfant mal élevé, un enfant pas élevé du tout. « El pibe de oro », le gamin en or, ne s’est jamais appartenu. Accaparé par le don, et par les apprentis montreurs d’ours, dès ses premières années. Contrairement à d’autres singes savants, l’enfant malicieux est resté un prodige. Il est devenu le plus grand joueur du monde. Le seul à faire vaciller la statue brésilienne sur son socle. Je sais, il y a plusieurs meilleurs joueurs du monde, mais on s’en fout, on en a rien à foutre de savoir qui est le meilleur des meilleurs… Les légendes ne font pas la course, les dieux ne s’abaissent pas à tracer des frontières sur leur Olympe. Vous croyez qu’il n’est pas venu ?? Bien sûr, qu’il était là, dans les tribunes. Le roi Pelé. Heureux comme un aîné qui voit son frère en majesté arborer un large sourire, qui se soucie finalement si peu que ce gamin turbulent et capricieux ne puisse pas s’empêcher de temps à autre de se monter sur la pointe des pieds, de gonfler le torse et de sauter ridiculement sur place en lui gueulant à la figure qu’il est le plus grand, qu’il est plus grand que le plus grand, qu’il est le rois des lien de gosses. Diego est un enfant, et le restera à jamais. Et ne venez pas me parler de la morale. On ne demande pas un gamin qui s’amuse d’être un champion exemplaire. J’emmerde la morale. J’ai pas envie d’en discuter, pas envie d’être objectif. De toute façon, les choses sont injustes, nous ne serons bientôt plus des enfants et déjà Diego a 41 ans et pleure sur sa bedaine. Pleure sur sa vie qui s’enfuit. Dieguito n’existe que par le terrain. C’est moche, un gamin avec un gros ventre. Les enfants sont joueurs et cruels, comme Diego. Maradona marque des buts de la main, Maradona a des mauvaises fréquentations, Maradona laisse traîner son nez dans la poudre, Maradona a une tête de petite frappe, Maradona porte une boucle d’oreille et des chemises de mauvais goût, Maradona a une grosse tête, Maradona dit n’importe quoi, Maradona n’a aucune conscience politique, Maradona ressemble au petit peuple fanatisé et aux groupes de supporters violents qui l’adorent, Maradona a eu de la chance de bien savoir jouer au foot, sinon…Diego est un petit rondouillard, un gamin au bon cœur et aux mauvaises manières. Un prototype de petite frappe en devenir des faubourgs populeux de Buenos Aires. Diego va mal tourner, c ‘est sûr, va devenir un petit voleur de collier à l’arraché des rues de Naples, un obscur traîne-semelles qui traficote dans les ruelles sombres de Barcelone. Diego sans le foot, c’est un garagiste sud-américain plein de tatouages qui fume comme un pompier et fait du recel. Peut-être pire. Diego est un personnage secondaire d’un roman de Gadda ou de Montalban. Diego est à jamais dans le cœur des va-nu-pieds napolitains et des crève-la-faim des barrios argentins, parce qu’il est eux et qu’ils sont lui. Diego est un enfant surdoué qui joue au foot. Diego fait des gestes inutiles parce qu’ils sont beaux et quand il fait des gestes utiles ils sont beaux quand même, même ses adversaires s’arrêtent pour le regarder jouer. Diego marque des buts comme dans la cour de l’école, en dribblant et en ridiculisant tous ses adversaires. Ils peuvent lui dire merci, les Anglais, d’avoir marqué ce but de la main. Sinon on n’aurait jamais retenu et parlé que de l’autre, le but le plus humiliant jamais encaissé par une grande puissance européenne dans l’histoire de la coupe du monde. L’Angleterre à terre, en morceaux, fendue en deux de tout son long par la virtuosité technique sud-américaine. Diego a rendu leur fierté à tous les culs-terreux de Napoli et a fait enrager tous les barons d’Italie en leur apprenant à placer Naples sur une carte. Diego a gagné un Mondial à lui tout seul. Diego a été obligé de ravaler ses larmes parce que l’Allemagne et l’arbitre qui a sifflé un penalty imaginaire lui ont volé son graal. Diego virevoltant a été exclu de la CM 94 pour dopage à la cocaïne, la pire punition que des adultes peuvent infliger au seul joueur que cela fait forcément pleurer à chaude larmes, comme le gamin pris en faute qu’il lien sais, je sais, il y a des gens qui trouvent cela honteux, immoral, « les gens » sont comme ça. Ils oublient vite leurs propres turpitudes et la vie qui va son cours, ils ont besoin d’exemples pour les aider à croire. Ils oublient que Diego est resté un gamin, un sale gosse des rues. Maradona n’a tué personne dans un accident de voiture, Maradona n’a pas été inculpé dans un procès pour viol ou pour ratonnade, comme d’autres qui continuent d’arpenter les terrains, ou comme d’autres encore anonymes, et qui n’ont jamais vu un crampon de leur vie. Maradona ne se dope pas avec une armée d’avocats et de médecins, Maradona n’a jamais pris de cours de communication pour mieux parler aux journalistes, comme tous ces fantoches, ces imposteurs, ces usurpateurs sans talent qui pullulent sur tous les terrains. Ce soir je suis triste et le foot m’emmerde. La vie de Diego dépassent le simple cadre du ballon rond, elle nous renvoie à nos propres jugement de valeurs ; il y est question de talent, de destin, de jugement moral, d’éducation, de fric, d’hypocrisie sociale, de grandeur, de déchéance. Pour moi, ses faiblesses contribuent à sa grandeur, elles lui donnent l’épaisseur humaine qui en fait plus qu’un joueur de foot. Elle le font chair, une légende, une rock star, un phénomène de société bien vivant. Ou si peu désormais. Il me fait penser à Marlon Brando (pas le joueur de l’OM, l’autre), aussi énorme sur ses photos, le même naufrage. Et lui, pourtant, qui n’est qu’un virtuose du foot, un gamin perdu et inconscient qui n’a jamais traversé le miroir. Celui sur lequel on étale les lignes de poudre, celui dans lequel chacun tente aussi de se voir si beau et de projeter à un moment son propre reflet, puis juge, comprend ou condamne, brûle ou essaie de sauver ce qui peut l’être de nos rêves d’enfance, les siens, les nô lien peux vous le dire, parce que Diego, c’est mon pote. Vous me croyez pas ?? Si, si, c’est mon pote, depuis tout petits, depuis la cour de l’école. On a grandi ensemble, et je me suis aperçu alors que malgré toute mon admiration et la lumière qu’il dégage, il avait une face sombre. Diego, c’est forcément un ami, c’est forcément quelqu’un de notre tribu à tous. C’est un génie. Mais il est encombrant. Il fonctionne à l’affection. Il prend de la coke. Il grossit. Il va s’attirer des ennuis à force de faire des conneries. C’est pas un violent, ni un destructeur, c’est plutôt le genre qui s’autodétruit. Diego, c’est celui qui nous rappelle qu’on peut parfois, souvent, aimer les gens sans les comprendre, sans pouvoir les aider. En plus, depuis hier soir, Diego est un gamin inconsolable, à qui tout le monde essaie de parler comme à un adulte. « Tu prendras soin de toi, Diego, hein ?? Tu essaies de pas trop faire de bêtises, et puis fais gaffe, ces gens qui traînent autour de toi là, ils me plaisent pas trop… oui, je sais, je les connais, mais quand même, justement. Et puis fais un peu attention à ta santé, putain ! » Et lui tout prêt à vous répondre avec un sourire rassurant de gamin incorrigible, qui a envie qu’on lui foute la paix. Diego, j’ai bien peur que ce soit un ami de longue date dont on entendra parler de moins en moins souvent, et jamais pour de bonnes nouvelles. Hier je l’ai perdu de vu, le petit gros, et il a emporté quelques lambeaux de mon enfance, de ce qu’il en reste. Quel est le salaud qui nous a fait croire que les enfants ne peuvent pas mourir, et leurs rêves non plus. Fait chier. Et bien sûr, il continue de pleuvoir. Evidemment…

  • leo le 12/02/2003 à 14h45
    Yes Repp, well done !!!

  • eio2 le 12/02/2003 à 14h46
    c'est ça qui est barje tagoli. Pour les plus jeunes diego restera celui que les vieux disent avoir été un dieu du ballon mais dont ils ne connaîtront que la main de dieu.
    comme mayo, je vous trouve très dur avec cet article. Je pense pas que diego ait pris de la coke comme dopant mais plutôt comme un jetsetteur.
    J'ai été souvent à Naples pendant les années diego. Aucun joueur n'a soulevé et ne soulèvera la passion, le culte qu'a suscité ce joueur. Comment ne pas peter les plombs lorsqu'on est un gosse des rues et que le processus d'identification est tel.
    Plus qu'à Scarface, c'est plutôt à Sinatra qu'il fait penser en tant que jouet de la maffia.

    Le palmarès (en club) somme toute modeste : il n'a jamais été dans un grand club. De plus, Naples laisse filer un scudetto contre le Milan sous la menace de la cmorra pour qui un 2ème succès napolitains aurait occasionnée trop de paris gagnants au totonero (pour memoire 5 points d'avance à 3 journées de la fin avec accueil du Milan pour finir).

    Dans les topos sur Diego, personne ne parle de son début de carrière européen. Le match contre l'Italie en 82 où il fint exclus et le maillot en lambeaux. Puis, Olarticochea (ou goikotchea) qui le massacre pdt sa 1ère saison au Barça.
    Enfin sur le rejet de Diego, je n'oublierais pas la haine des italiens en général au Mondiale, où à lui tout seul il amène sa selection en finale.

    Et c'est vrai que même si je hais les tricheurs, l'amoralité, la mauvaise foi etc, la main de Dieu et ses dérives n'affectent en rien mon amopur pour ce joueur.

La revue des Cahiers du football