Un Pelé et combien de tondus ?
On a entr'aperçu Pelé lors de la cérémonie du tirage au sort de la Coupe du monde, sourire rivé au visage. Les tuiles qui s'abattent actuellement sur la tête du potentat brésilien pourraient cependant faire qu'une telle scène devienne trop embarrassante. L'enquête sur le détournement de fonds -opéré par une de ses sociétés (Pelé Sport & Marketing) est assez grave en effet pour compromettre cette icône du football. La sombre affaire concerne l'organisation d'une rencontre au profit de l'UNICEF, prévue en Argentine mais qui n'eut jamais lieu. Francis Huertas explique dans L'Equipe (25/11) que Pelé avait offert ses droits d'image à l'UNICEF Argentine, avant de les revendre 3 millions de dollars à une société américaine. Il avait touché 700.000 dollars d'avance, qui n'ont pas été restitués après l'annulation. Si ces faits sont confirmés, ils signifient que Pelé n'a pas volé de l'argent à l'organisme mondial, mais qu'il n'a pas hésité à tirer un profit d'une action caritative, puis à conserver l'argent indûment touché. En bon sportif, Pelé a plaidé l'irresponsabilité, et accusé de malversations son partenaire Helio Viana. Ce dernier le menace en retour de révélations fracassantes. L'ancien numéro 10 auriverde avait certes demandé un audit et démantelé cette entreprise, mais il ne peut accuser Viana sur cette affaire précise puisqu'il a lui-même signé les contrats incriminés.
Lorsqu'un pavé tombe dans le marigot brésilien, on peut être sûr qu'il va éclabousser du monde. Lorsque Pelé avait été ministre des sports du Brésil, il avait travaillé à la "loi Pelé", destinée à rétablir un peu de transparence dans l'économie du foot brésilien, tout en le libéralisant totalement. Bien que quelques rivalités l'opposaient à certains dirigeants brésiliens, il s'était bien gardé de mettre son nez dans toutes les affaires qui ont éclaté depuis (trafics de joueurs, argent occulte, corruption, contrats de la Seleçao etc.).
Sans trancher sur le degré d'implication de notre "sportif du siècle", l'histoire est surtout intéressante pour ce qu'elle révèle des personnages comme lui, qui deviennent à eux seuls des multinationales, tenant leurs (énormes) revenus de l'exploitation de leur nom et de leur image. Ils développent parallèlement des ego démesurés (Pelé parle usuellement de lui à la troisième personne) et s'accommodent très bien du culte de leur personnalité.
On se souvient du Brésilien justement, abandonnant pour deux mois ses fonctions de ministre afin de nouer sa cravate Eurocard-Mastercard, dont il devient l'employé exclusif pendant la Coupe du monde. A la fois homme-sandwich et marque déposée, ils doivent sous-traiter des pans entiers de leur activité et il n'est pas étonnants qu'ils soient victimes d'escroqueries, à défaut d'en être les instigateurs. Il est d'ailleurs significatif que les actions humanitaires, obligatoires pour des figures publiques comme celles-ci, fassent partie de cette externalisation. Voyons, Pelé a des choses plus importantes à faire que de prendre part à l'organisation d'un match de charité.
On a donc entr'aperçu Pelé lors de la cérémonie du tirage au sort, et l'ironie veut que trois jours avant, l'UNICEF et la FIFA organisaient à Busan (Corée du sud) une conférence de presse annonçant que la Coupe du monde serait placée sous le signe de la protection de l'enfance avec l'opération "Say yes for children". Ce n'était donc pas le moment de ramener de vilaines histoires.