Si vous saisissez votre mot de passe PUIS votre e-mail, vous aurez la confirmation que ça n'a aucun effet particulier. Attention à ne pas confondre vos minuscules et vos majuscules.
Vous avez oublié votre mot de passe ?
Inscription
Vous avez oublié votre mot de passe ? Il reste un espoir ! Saisissez votre adresse e-mail ; nous vous enverrons un nouveau mot de passe. Cette procédure est quasiment gratuite : elle ne vous coûtera qu'un clic humiliant.
Nous vous avons envoyé un email sur votre adresse, merci d'y jeter un oeil !

CONDITIONS D'INSCRIPTION :

1. Vous devez nous adresser, via le formulaire ci-dessous, un texte (format .txt inférieur à 100 ko) en rapport avec le football, dont la forme est libre : explication de votre passion, anecdote, aventure, souvenir, essai, commentaire composé, portrait, autobiographie, apologie, réquisitoire, etc. Vous serez ensuite informés de la validation de votre inscription par mail. Les meilleurs textes seront mis en ligne sur le Forum.

2. Nous ne disposons pas d'assez de temps pour justifier les retards d'inscription ou les non-inscriptions, et ne pouvons pas nous engager à suivre une éventuelle correspondance à ce sujet. Merci de votre compréhension.

Nous avons bien reçu votre candidature, on y jette un oeil dès que possible. Merci !

Partager :

Une lucarne de liberté

En France, la télévision est entrée dans les cellules des prisons avec l’aide d’un ballon de football.
Auteur : Troglodyt le 30 Sept 2010

 

D’abord opposée à l’idée de permettre l’accès à la télévision aux détenus, l’Administration pénitentiaire française a dû s’y résoudre progressivement, malgré les réticences initiales des surveillants pénitentiaires. Ceux-ci reconnaissent aujourd’hui son utilité et son rôle dans la pacification des détenus; lesquels plébiscitent ce moyen de se libérer l’esprit. La "télévasion", selon le jargon carcéral.
Les soirs de match de football, et les étés de compétition internationale, les coursives sont plus calmes – si ce n’est lorsque le supporter qui sommeille en chacun exulte (1). Ce sont aussi, parfois, des instants où les surveillants, captivés devant leurs écrans, peuvent être moins attentifs aux alertes.

Si les avis persistent à diverger sur l’opportunité de l’accès à la télévision en détention – elle rapproche les détenus de leur dictionnaire (il leur sert à la surélever), mais pousse à l’oisiveté, et son câble électrique leur offre un moyen de se pendre –, beaucoup ignorent le rôle fondamental joué par le football dans l’entrée du téléviseur en cellule.


Argentina 78 et España 82 en tribune commune

L’été 1974 est violent au sein des établissements pénitentiaires, les détenus laissent éclater leur souffrance liée aux conditions de détention: quatre-vingt dix-neuf mouvements collectifs dont neuf mutineries éclatent, six détenus sont tués. Parmi les maigres remèdes qu’entend y apporter le tout nouveau gouvernement Chirac, un décret du 23 mai 1975 insère à l’article D.447 du Code de procédure pénale (modifié depuis) une petite révolution: "Outre l’usage du récepteur (radiophonique) individuel autorisé pour chaque détenu (…), l’utilisation collective de la radiophonie et de la télévision est organisée par l’administration. Le règlement intérieur prévoit les modalités de cette utilisation collective; il fixe notamment l’horaire et les conditions d’accès aux séances audio-visuelles. Les détenus peuvent être consultés sur le choix des programmes à diffuser". Les détenus auront désormais accès à la télévision en détention.

prison_football_1.jpg
[Photo Contrôleur général des lieux de privation de liberté, 2009]

Néanmoins, la télévision se regarde en salle commune, aux horaires d’activité, sachant que la journée pénitentiaire s’achève à 18h… Soit l’horaire du coup d’envoi des premiers matches nocturnes de la Coupe du monde en Argentine. Les détenus n’auront donc pas accès aux images en direct, et se contenteront de leurs transistors la nuit, et des éventuelles rediffusions diurnes.
En 1982, la Coupe du monde revient en Europe, pour le plus grand bonheur des détenus. D’autant que le tirage au sort fait que l’équipe de France jouera, durant les deux premiers tours, l’après-midi, et non la nuit. Ainsi, pour la première fois de l’histoire pénitentiaire française, les détenus pourront regarder des matches du Mondial de football, en direct, à la télévision. Les places sont chères dans les salles communes aménagées à cet effet depuis 1975, et c’est assis ensemble face aux petits écrans que détenus et surveillants pénitentiaires partageront la fièvre du beau parcours des Bleus.



Mexico 86 en loge

L’année précédant l’édition espagnole, le président François Mitterrand a confié les Sceaux à Robert Badinter. Ce dernier, après avoir condamné à mort la guillotine, s’attaque à une réforme du droit pénitentiaire après les nouvelles émeutes de l’été 1985: ainsi, l’obligation de travailler pour les détenus devient pour eux un droit, la "tenue pénale" est supprimée, les possibilités pour les détenus de communiquer avec l’extérieur sont étendues, l’Administration pénitentiaire conclut un partenariat avec le ministère de la Culture… À cette série de mesures s’ajoute la possibilité pour les détenus de louer auprès de l’administration pénitentiaire un téléviseur individuel qui pourra être installé dans leurs cellules. Nouvelle révolution: les détenus pourront voir les matches dans leurs cellules, y compris en soirée.

Toutefois, la décision prise à la fin de l’été 1985 doit encore être mise en œuvre, et l’Administration pénitentiaire, dont le budget est très serré, prend son temps pour conclure les contrats de louage de téléviseurs et d’installation technique (la vétusté des établissements pénitentiaires, et parfois l’absence d’installation électrique en cellule, n’aident pas – 2). Outre le risque d’orages en détention liés à la défaillance de l’Administration pénitentiaire dans son obligation découlant du droit accordé aux détenus, un autre argument, pour le moins insolite, est entendu par la Chancellerie (3), laquelle va déclarer l’urgence de la mise en œuvre du droit à la télévision en cellule: la Coupe du monde de football débute le 31 mai 1986.
L’annonce est d’autant plus forte que cette Coupe du monde au Mexique allait poser aux détenus les mêmes problèmes de décalage horaire que l’édition argentine, avec des diffusions hors les horaires d’activité. Alors, certes, tous les établissements ne seront pas prêts à temps, et tous les détenus ne pourront pas s’offrir la location de leur téléviseur. Pour eux, ce sera transistors et rediffusions en salle commune. Mais d’autres pourront, enfin, accompagner, de jour comme de nuit, l’équipe de France jusqu’en demi-finale.

Peu avant la Coupe du monde 2010 en Afrique du Sud, le tarif mensuel pour la télévision individuelle a été divisé de moitié – il ne s’agirait là que d’une coïncidence. L’objectif pour Brasil 2014? La gratuité de la télévision en détention. (4)


(1) Lire "Entre les murs et les poteaux, le gardien".
(2) Les grands projets de rénovation des établissements pénitentiaires n’interviendront qu’à partir de 1987, à l’initiative du Garde des Sceaux Albin Chalandon.
(3) Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel, Prisons: une humiliation pour la République. Rapport de la commission d’enquête sur les conditions de détention dans les établissements pénitentiaires en France, Paris: Sénat (coll. Les rapports du Sénat, n°449), 2000, p.153.
(4) En 2010, le tarif mensuel réglementé passe de 36 euros à 18 euros par mois, et doit être généralisé. La télévision n’est gratuite que pour les détenus dits "indigents", c’est-à-dire disposant de moins de 45 euros de ressources pour le mois considéré.

Réactions

  • Troglodyt le 30/09/2010 à 19h47
    DidierF
    jeudi 30 septembre 2010 - 01h51
    Une question en passant, pas trop frivole j'espère : qu'en est-il de l'accès à l'internet, "entre les murs"?
    _______
    Si évidemment ils peuvent avoir un PC dans leur cellule, ils ne peuvent pas avoir accès à Internet.
    Dans les médiathèques pénitentiaires non plus d'ailleurs (mais elles sont très bien équipées en logiciels de visites virtuelles, Code de la route, etc).

    Marius T
    jeudi 30 septembre 2010 - 08h04
    Et l'accès à Canal et au satellite ?
    _______
    Accès à Canal+ dans toutes les cellules (si tu as la TV, tu as C+).


    JL13
    jeudi 30 septembre 2010 - 19h23
    Bel Hommage de Th Roland à Troglo !
    A l'instant sur W9, (PSG-Karpaty), il évoque les "pénitenciers" (!) de France et salue les détenus de Nancy qui, comme leurs autres camarades, peuvent, maintenant, suivre le sport à la télé dans leurs cellules............................
    _______
    Quelle consécration...
    En revanche je me demande ce qui vaut ce salut particulier aux détenus de Nancy...

  • khwezi le 30/09/2010 à 23h21
    Superbe article, camarade !!!!
    (juste un truc: "louage", c'est un vocable approprié ? Je croyais que c'était "location". J'apprend chaque jour avec toi)

  • Troglodyt le 01/10/2010 à 06h44
    (Oui, vocable juridique qui permet de désigner à la fois l'action de jouissance temporaire d'une chose moyennant un certain prix, et le contrat qui régit cette opération. Et cela permet d'utiliser un substantif masculin.)

  • khwezi le 01/10/2010 à 12h35
    Ben voilà.
    J'en ai profité pour relire ton premier "article sur le même thème". Chapeau, camarade. Keep on.

  • Tonton Danijel le 01/10/2010 à 12h38
    Bel article, troglo, j'aurais juste une petite question:

    (4) En 2010, le tarif mensuel réglementé passe de 36 euros à 18 euros par mois, et doit être généralisé. La télévision n’est gratuite que pour les détenus dits "indigents", c’est-à-dire disposant de moins de 45 euros de ressources pour le mois considéré.

    Comment peut-on évaluer ce plafond de ressources?

  • Troglodyt le 01/10/2010 à 16h34
    D'une part, le plafond est fixe à 45€ par décret en fonction de la consommation moyenne des détenus dans les établissement.

    Ce plafond de ressources est plutôt facile à vérifier:
    - tu regardes la fiche de paie du détenu pour le mois considéré (s'il travaille en détention);
    - tu ajoutes les mandats qu'il reçoit de sa famille ou qu'il se fait à lui même depuis un compte en banque (par exemple s'il a des revenus tirés du loyer d'un bien immobilier).
    Tu fais la somme, et tu regardes si le détenu dispose de plus ou de moins de 45€.

    Il y a des détenus qui claquent plus de 200 euros par mois (et je ne parle pas là des cas exceptionnels), hors les mois de gros achats (PC, Playstation, DVDs...).
    Ne serait-ce qu'en tabac.

  • Tonton Danijel le 01/10/2010 à 17h00
    Tu veux dire que tous les échanges monétaires se font par compte bancaire? Aucun liquide ne peut être transmis de l'extérieur sans être dûment mentionné? (ce qui n'est pas plus mal pour éviter l'utilisation de l'argent d'un braquage, je suppose).

  • Troglodyt le 01/10/2010 à 22h33
    Tonton Danijel
    vendredi 1 octobre 2010 - 17h00

    Evidemment, toutes les devises sonnantes et trébuchantes, tous les chéquiers et toutes les cartes de paiement sont interdits dès l'entrée en détention (si tu te fais embastiller avec ton portefeuille, le seul truc que tu as le droit d'emmener en cellule ce sont les photos de ta famille ; tout le reste demeure au vestiaire du greffe de l'établissement pénitentiaire).
    Le but est d'éviter les trafics mais aussi de limiter les occasions de racket et de vol.
    (Même si tu n'empêcheras jamais les détenus se rentrer de parloir avec un petit rouleau de grosses coupures roulé dans l'anus dans un papier cellophane enduit du lait du biberon du bébé venu avec la maman au parloir; pour le trafic ordinaire entre détenus)

    En détention, le système de gestion de l'argent est assez complexe: tous les détenus ont un "compte nominatif" ouvert sur un compte du budget de l'établissement pénitentiaire.
    Chaque compte est divisé en trois parties:
    - un compte bloqué pour l'indemnisation des parties civiles (le cas échéant);
    - un compte bloqué pour constituer un pécule en vue de la libération;
    - un pécule disponible, qui est la part du compte dont le détenu dispose pour le tout venant en détention.

    Pour renflouer ce compte, plusieurs sources:
    - les rémunérations du travail en détention;
    - les mandats faits par la famille ou par le détenu sur ordre depuis ses comptes bancaires à l'extérieur.

    Plusieurs règles pour déterminer la répartition entre les 3 comptes.
    Tout ce qui n'excède pas 200€ par mois va directement sur le pécule disponible pour permettre au détenu de s'entretenir un peu en détention (tabac, nourriture supplémentaire, produits d'hygiène et notamment le papier WC, produits de confort).
    Dès lors que la somme mensuelle reçue excède 200€:
    - 20% pour la fraction supérieure à 200 € et inférieure ou égale à 400€, 25% pour la fraction supérieure à 400 € et inférieure ou égale à 600€, ou 30% pour la fraction supérieure à 600€, vont sur la partie destinée à l'indemnisation de la partie civile, s'il y en a.
    - 10% de tout ce qui dépasse 200€ va sur le pécule bloqué en vue de la libération. A partir d'un certain montant (229€ je crois), on ouvre un compte d'épargne rémunéré au détenu.

    Evidemment, rien n'interdit au détenu de prendre sur sa part disponible pour accélérer l'indemnisation de la partie civile (très bien vu par les JAP...), grossir son pécule en vue de la libération, ou donner au greffe de l'établissement pénitentiaire des ordres de virement au profit de sa famille (ou de dettes à payer à l'extérieur).

    Durant la détention, le détenu fais ses commandes à la "cantine" (le catalogue d'achats pour le "magasin" de la détention) et les sommes lui sont prélevées sur son compte disponible automatiquement par le greffe de l'établissement pénitentiaire. A tout moment, devant tout passage devant un PC de l'établissement pénitentiaire, le détenu peut demander combien il lui reste sur son compte disponible (mais ils font tous très bien leurs comptes!).

    Quand le détenu est libéré, il récupère la somme du compte disponible et du pécule de la libération.
    S'il s'évade, tout va pour les parties civiles, et l'éventuel surplus pour le Trésor public.

    Pour faire vite, voilà.

  • Raspou le 02/10/2010 à 03h54
    J'aime bien quand tu "fais vite", Troglo. Super article, merci.

La revue des Cahiers du football