Villa deux étoiles
Matchbox – Espagne-Honduras: 2-0. Brillants mais gourmands, les Espagnols n'ont fait que deux bouchées des Honduriens là où ils auraient pu s'offrir un festin.
Auteur : Thibault Lécuyer
le 22 Juin 2010
Ellis Park, Johannesburg
Buts : Villa 17e, 51e
Arbitre : Yuichi Nishimura
Espagne : Casillas (cap) - Ramos (Arbeloa, 76e), Puyol, Piqué, Capdevila - Busquets, Xabi Alonso, Xavi (Fabregas, 66e) - Navas, Torres (Mata, 70e), Villa.
Honduras : Valladares - Mendoza, Chavez, Figueroa, Izaguirre – W. Palacios, Guevara (cap), Turcios (Nunez, 63e), Espinoza (Welcome, 46e) – Suazo (J. Palacios, 84e), Martinez.
La nalyse
Dix heures de décalage horaire ou un déplacement à 1.500 mètres d'altitude ne valent pas le choc thermique qu'ont vécu les Espagnols en quelques jours, entre une Suisse mieux cadenassée que la plus secrète de ses banques, et une équipe du Honduras moins stable encore que son gouvernement. Suicidaires ou incapables de jouer autrement, les Honduriens ont tenté d'évoluer aussi haut que possible malgré un sens de la passe approximatif, laissant des espaces dans leur dos dont se sont régalés les Hispaniques.
D'entrée, Villa décoche un centre à la réception d'une transversale de Xabi Alsono, pour un tir de Torres trop écrasé (4e). Trois minutes plus tard, Villa joue un remake du but qu'il a marqué au Stade de France, mais son tir rencontre la barre transversale. Être encore moins vernis que des Honduriens, voilà qui devrait remonter le moral des Bleus.
Chavez martyrisé
Excentré à gauche par le retour de Torres à la pointe de l'attaque, Villa repique régulièrement au centre et se montre le plus dangereux (à la réception d'une transversale pour un tir trop enlevé, 13e). Pas encore rentrée dans son match, la Roja n'est pourtant pas très furieuse et devant Suazo, San Iker devenu curé défroqué ne rassure pas sa défense, mais écarte le danger.
Les hommes de Del Bosque font tourner le ballon, savent accélérer mais pressent peu et Casillas doit encore s'employer, ses défenseurs ayant ouvert sa cage à Suazo, trop court (17e). Les échines espagnoles n'auront pas le temps de se glacer: sur une action identique à celle de la treizième minute, l'Espagne fixe côté droit et Piqué envoie Villa à l'opposé faire son Messi. L'ex-Valencien martyrise Chavez puis Mendoza avant d'ajuster Valladares. 1-0. La Roja est proche de doubler la mise quand Navas remet pour Xavi, seul à six mètres mais dont la crête est trop courte de quelques centimètres.
Del Bosque gère
Fatigue hondurienne ou mise en place progressive du pressing, l'Espagne récupère le ballon de plus en plus haut et étouffe son adversaire. Torres (32e), Torres (33e), et Villa (39e) donnent l'impression que les coéquipiers de Casillas veulent répliquer au carton lusitanien de l'après-midi.
Les Honduriens jouent à merveille la partition de la victime expiatoire: des attaques à six avortées sur une passe molle, qui laissent des espaces larges comme le Paseo de la Castellana dans leur dos. Le coup d'envoi de la seconde période, balancé directement sur Casillas pour un lob improbable est symptomatique de leur impuissance. Lors du contre qui amène le deuxième but, l'Espagne joue un quatre contre quatre et un défenseur central est en train de glisser sur les fesses au moment du centre de Navas pour Villa. Pour que le deuxième frère Palacios puisse faire son entrée à la 84e, le petit Suazo va sortir. Les lignes des Catrachos sont plus distendues que les ligaments du genou de Ronaldo et les actions s'enchaînent côté rouge, les Espagnols se montrant diablement gourmands face peut-être à une des sélections les plus faibles, ou naïves de la compétition.
Sans imagination, chutant au moindre le contact, les Honduriens ont vite rendu les armes, permettant à Del Bosque de gérer en faisant sortir Ramos, Xavi et Torres avant le terme.
Les joueurs difficiles à suivre
Parlera-t-on un jour assez du dénuement du jeu de Xavi? Concurrent d'Iniesta au titre de meilleur joueur de football de la planète, cet ascète du beau geste donne l'impression que n'importe qui pourrait jouer à son niveau. Sa technique est aussi peu spectaculaire qu'impeccable: jamais une passe qui ne soit pas tout à fait dans la course, il livre caviars, choix simples et matches parfaits avec une régularité que Zidane n'a jamais atteinte, tout en restant d'une discrétion étonnante. À sa sortie les attaques se sont faites plus désordonnées, par à-coups, et le jeu de la Roja s'est déréglé.
À l'opposé, Torres a paru ostensiblement fatigué. Son démarrage évoque plus une Seat Ibiza diesel qu'un dragster, et en dehors de quelques dribbles de dégagement, il a raté quasiment tout ce qu'il a tenté. Peut-être s'est-il payé une séance de remise en forme grandeur nature?
Côté Hondurien, on remarquera l'entrée de Welcome, sorte de Brandao en moins technique, qui a tenté de jouer en pivot sans succès. Son flocage semblait dire "Welcome home" à ses coéquipiers.
Les observations en vrac
• Les Honduriens vont-ils être fiers de leur équipe Black–Indien–Blanc ?
• Daniel Villa, Piquette... Olivier Rouyer croit toujours commenter un tournoi de boules à Saint-Nom-la-Bretèche.
• Chavez aura perdu son duel d'Auvergnats face à Xavi.
• Après le but espagnol, Del Bosque faisait la gueule: son équipe n'a fait que huit passes avant de marquer.
Campeones ?
L'Espagne est-elle en ordre de marche pour aller au bout? Impossible à affirmer après ce match. Le Honduras a montré tant de faiblesses, tendu tant de verges pour se faire battre (à la 80e minute, la défense des Catrachos ne marque même plus Puyol sur corner) qu'il sera compliqué de tirer la moindre conclusion de cette promenade, si ce n'est une tendance peut-être inquiétante au croquage.
Cette victoire face à l'adversaire le plus faible de la poule n'avance d'ailleurs pas les hommes de Del Bosque dans la course à la qualification. Un nul face au Chili, qui a offert une partition similaire face aux Honduriens, rendrait probable une élimination prématurée des Espagnols. La victoire à Ellis Park était plus indispensable que rassurante.