Wiltord 2000, héros sur le tard
Un jour, un but – Le 2 juillet 2000 à Rotterdam, l’équipe de France attend la 94e minute pour se sortir d’une situation mal embarquée face à l’Italie. Le buteur, Sylvain Wiltord, confirme qu’il aime sortir tard.
Le quatrième arbitre a accordé quatre minutes de jeu supplémentaires, mais trois, déjà, viennent d’être grillées. Devant le banc italien, le staff et les remplaçants sont debout, parés pour se précipiter sur la pelouse dès que l’arbitre sifflera la fin. Dans les tribunes du stade De Kuip, on agite frénétiquement des drapeaux vert-blanc-rouge. Sur le terrain, la Squadra Bianca (car c’est la France qui joue en bleu ce soir-là) mène 1-0 depuis la 55e minute, but de Marco Delvecchio après une talonnade de Totti et un centre de Pessoto. Et elle maîtrise parfaitement son sujet, sans panache mais avec pragmatisme. Le foot italien n’a pas remporté le moindre titre depuis la Coupe du monde 1982, Dino Zoff était le capitaine. Ce 2 juillet 2000, à Rotterdam, il est le sélectionneur. Plus qu’une minute et il deviendra l’homme de l’Italie qui gagne.
L’angle idéal
Une ultime attaque italienne est avortée par un coup de sifflet de l’arbitre, qui accorde dans leur camp un coup franc aux Français. Fabien Barthez sort de sa cage pour le frapper, loin devant. Aux abords de la surface italienne, David Trezeguet se détend pour dévier le ballon du haut du crâne. Fabio Cannavaro touche également le ballon de la tête, mais il ne fait que le placer idéalement dans la course de Sylvain Wiltord. Le Bordelais, légèrement décalé sur la gauche, contrôle de la poitrine, entre dans la surface, laisse le ballon rebondir le temps de trouver l’angle idéal. Puis il frappe du pied gauche. Le ballon passe entre les jambes d’Alessandro Nesta, qui s’était placé en opposition. Francesco Toldo, le gardien italien, plonge un poil en retard: il touche bien le ballon, mais ne parvient pas à en dévier la course. Il ne lui reste qu’à le suivre des yeux et atteindre le petit filet après quelques rebonds, une éternité.
C’est un de ces petits miracles qui font l’histoire des grandes équipes. La France, championne du monde en titre, vient de réaliser un Euro 2000 époustouflant durant lequel elle ne fut pas épargnée par la qualité de ses adversaires. Mais la finale lui a échappé, non pas qu’elle ait mal joué, mais son adversaire a mieux maîtrisé son sujet ce soir-là. Roger Lemerre, le coach français, n’est pourtant pas resté les bras croisés: il a fait entrer tour à tour les attaquants Sylvain Wiltord (58e), David Trezeguet (76e) et Robert Pires (86e), les trois mêmes remplaçants que lors de la demi-finale face au Portugal. Un choix guidé par les impératifs plus que par la superstition, et qui a doté l’équipe de France de quatre attaquants.
54 secondes
Peu de temps après l'entrée du Girondin (à la 58e minute et à la place de Dugarry), celui-ci est servi par Zidane et se retrouve dans la position de son futur but, pour échouer sur Toldo en oubliant Djorkaeff au second poteau. Même angle et même conclusion pour Henry quelques minutes plus tard, après un coup franc de Zidane... Les Bleus insisteront sur ce côté gauche. L’Italie est habituée à tenir un siège devant son but, comme elle l'a prouvé au cours d'une demi-finale épique face aux Pays-Bas. Les Azzurri auraient pourtant dû la boucler pour de bon cette finale, lorsque les Français se ruaient à l’assaut, laissant des espaces en défense. Une erreur stratégique face à des Tricolores qui n’ont jamais été aussi sûrs d’eux que lors de ce tournoi, avec un parcours sans doute encore plus difficile que celui de la Coupe du monde, où ils ont croisé tant d’adversaires coriaces, tant de situations différentes à régler que rien vraiment, ne semble pouvoir bousculer leurs certitudes. Alessandro Del Piero, entré à la 53e minute, s’est bien retrouvé deux fois seul devant Fabien Barthez, mais il a trop croisé sa frappe du gauche puis vu le gardien monégasque repousser sa tentative. Delvecchio, servi par Totti, ne cadre pas plus.
Et ce fut sans doute au moment où la France entière commençait à ranger ses drapeaux, à admettre que son équipe chérie n’était plus invincible, et qu’après tout, elle restait championne du monde, c’est à ce moment précis que Sylvain Wiltord récupéra le ballon aux abords de la surface italienne. Il ne restait plus, officiellement, que 54 secondes à jouer.
Les Italiens plongent leurs visages entre leurs mains ou lèvent les yeux au ciel en maudissant celui qui leur a joué ce mauvais tour. Les Français, eux, congratulent leur buteur miracle. Hormis Thierry Henry,qui préfère signifier au banc italien qu’il faut se rasseoir. Une autre histoire commence, celle de la prolongation.
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