Habitus baballe
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Franco Bas résilles le 14/12/2022 à 11h04J'ai trouvé ! Et je vous recommande le "Dictionnaire amoureux de l'éloquence" (Plon, 2022) de Mathilde Levesque, article "Wesh". Pour ne pas porter atteinte au droit d'auteur ni déflorer le plaisir que d'aucun(e)s pourraient prendre à parcourir cet ouvrage, je me bornerai à signaler que selon l'auteur, "Wesh" est "une excellente illustration de la loi du moindre effort" et "change de sens en fonction de l'intonation", équivalant parfois à "un énoncé complet", ce dont voici un exemple (je cite) :
"Wesh ! (Chuis choqué.e – ce dernier adjectif ayant lui-même quatorze sens différents.)"
C'est d'une lecture délicieuse, mais je suis un vieux pervers, et mes goûts n'engagent que moi.
Je confirme que "du coup" est massivement employé comme mot-cheville, indépendamment de sa valeur logique initiale, et qu'à ce titre, il relaie les "si tu veux", les "quelque part", voire les "n'est-ce pas ?" de jadis (j'en oublie certainement, j'étais d'ailleurs fasciné par le fait que ma prof de maths en Terminale, qui multipliait les "si tu veux", se montrait capable de les transformer en "si vous voulez" selon la situation d'énonciation...). J'ai du reste noté que "du coup" ne se présentait pas toujours en début de phrase, mais servait quand même plutôt de "lanceur".
Dans le même ordre d'idée, je confirme (et je m'appuie pour cela sur l'observation des post-ados de ma famille proche, pour dire si ma démarche est rigoureuse et étayée) que "en vrai" joue également un rôle de "lanceur" de phrase sans rien signifier de plus que le "je vais vous répondre très simplement/sincèrement" ou que le "la France est un grand pays" des politiques embarrassés par une question.
Enfin, je relance la machine d'un "de base", qui pourrait être une adaptation de "basically" (en anglais, il remplit également du vide), et d'un "typiquement" qui lui me semble issu de l'informatique et m'agace un brin...
J'ai l'impression, mais là encore mon panel peut être trop réduit, que le lanceur "à la limite", qui ne faisait référence à aucune limite même si initialement il devait excuser par avance le caractère caricatural d'une opinion, est tombé en désuétude chez les jeunes...
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Jeremie Janette le 14/12/2022 à 15h20""Wesh" est "une excellente illustration de la loi du moindre effort" et "change de sens en fonction de l'intonation""
ça me rappelle la scène dans Donnie Brasco où Johnny explique ce que veut dire "forget about it" en fonction de l'intonation et du contexte.
Sinon, est-ce qu'on peut lancer le sujet du "trop" employé trop souvent ("oh il est trop chou !", "c'est trop sympa", etc) ou ça n'en vaut pas la peine ? En général, quand j'entends ça et que je réponds "ah bon, c'est trop chou, faudrait que ce soit moins chou alors?", on me regarde avec des gros yeux qui disent "mais qu'est ce qu'elle nous veut celle-là?"
Allez, OK, je ne lance pas ce sujet.
Du coup, passons à autre chose. En vrai, de base, ça m'intéresse de creuser les évolutions de langage mais je sens bien que c'est typiquement un de ces sujets qui crispent le public. A la limite je préfère ne plus en parler.
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Telstar le 14/12/2022 à 15h58C'est juste dommage.
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Raspou le 14/12/2022 à 16h08Un peu d'étymologie de "wesh", puisque ce que j'en ai lu (rapidement) sur Internet se limite à dire que ça vient de l'arabe algérien ou marocain sans donner plus de détails. Pour ceux que ça intéresse, c'est la contraction de l'arabe littéral "wa ayya shay'in", qui signifie "et quelle chose". "Ayya shay'in" (quelle chose) est la forme vocalisée de la façon très "correcte" de demander "quoi" en arabe, en ce sens très similaire à l'italien "cosa / cos'è". Dans tous les arabes oraux les vocalisations de "ayya" et de "shay'in" tombent, parfois la diphtongue de "shay'", et souvent "shay'" est raccourci en un simple son "sh", ce qui fait que notre "ayya shay'in" va devenir "ay shi" ou "ash" (prononcé "esh")... Cette dernière forme ("ash" pour dire "quoi") est sans doute universelle à tout le monde arabe, je ne pense pas qu'il y ait un pays où elle n'est pas comprise. La particularité algérienne me semblant de souvent rajouter le "wa" ("et") au début, et donc d'avoir le "ash" qui se transforme en "wash" (prononcé "wesh").
"Wesh" ("et quoi") s'utilise bien sûr dans plein d'expressions, du plus neutre ("wesh klit" = "t'as mangé quoi") au plus connoté ("wash bik anta" = "c'est quoi ton problème à toi?"). Le "wesh" pour se saluer en France vient vraisemblablement du "wesh rak", équivalent du "ki rak" ("ki" étant le diminutif de "kayfa" = "comment") que ma famille utilisait plus, et qui veut dire "quoi tu es" ou pour le second "comment tu es", et qui est donc une façon familière de se demander comment ça va. "Wesh" tout seul me semble avoir une connotation originellement moins sympa en maghrébin parlé (ça ressemble plus à un "y a quoi là?"), mais ça a peut-être changé ces dernières décennies - mes références ont 80 balais, puisqu'elles viennent de comment mon père parlait quand il était gamin... Je ne sais pas si les jeunes Maghrébins se disent aussi "wesh" ou "wesh wesh" pour se saluer, ou si c'est un usage purement français... Je vais au Maroc bientôt, j'essaierai d'enquêter.
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Franco Bas résilles le 14/12/2022 à 16h11Merci, Raspou.
C'est juste trop bien.
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Jeremie Janette le 14/12/2022 à 16h24Définitivement !
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JauneLierre le 14/12/2022 à 16h49Bien évidemment.
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Le génie se meurt ? Ah mais l'mage rit le 14/12/2022 à 17h02Assurément.
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Balthazar le 14/12/2022 à 17h04C'est à la fois questionnant et satisfaisant.
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Jeremie Janette le 14/12/2022 à 17h05questionaisant ?