Dans les Cartons : Guardiola, Espagne-URSS 1964 et la France U17
Quel bilan tirer des trois saisons de Guardiola au Bayern? C'était comment, quand l'Espagne et l'URSS s'affrontaient en 1964? Et y a-t-il des pépites en équipe de France U17? Tant de questions auxquelles on tente de répondre cette semaine.
Changements de dispositifs ou de joueurs, batailles philosophiques et stratégiques, échecs et réussites… Chaque semaine, les quatre Dé-Managers proposent leurs billets d’humeur.
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Réussir à l’ère des superclubs, le bilan de Pep
Christophe Kuchly – Depuis ce week-end, le Bayern est une nouvelle fois champion. Et, depuis une semaine, Pep Guardiola doit justifier un bilan rendu décevant par l’absence de victoire en Ligue des champions. Voilà l’état du football en 2016: pour réussir dans un “superclub”, il faut gagner la plus prestigieuse compétition européenne, peu importe le reste. Entre le Real, le Barça et le Bayern, un seul peut semble-t-il réussir une saison. Être champion console un ou deux ans, pas trois, surtout pas quand on prend en main le tenant du titre. Soit.
L’opposition en Bundesliga est effectivement moins dense qu’en Liga, où plus d’équipes sont capables de rivaliser dans le jeu. Est-elle nulle pour autant? C’est tout le problème posé par la domination totale des Munichois depuis quatre ans, eux qui n’ont gagné que deux titres entre 2007 et 2012. Cette saison, contrairement aux précédentes, le Borussia Dortmund a évolué à un très haut niveau et fut un contradicteur solide. Le parcours européen, qui s’est arrêté à cause d’un craquage mental collectif contre une formation de Liverpool bien inférieure dans le jeu, prouve que cette qualité fonctionnait à l’export. Mais le Bayern était simplement plus fort.
Quel est le vrai bilan de Pep Guardiola? La réponse n’est déjà pas que dans les résultats. Malgré la campagne de dénigrement du magnifique journal qu’est Bild, le club a continué à remplir son stade chaque semaine tout en étant un sujet de discussion à l’international, l’aura et le style de son entraîneur étant des sujets de discussion permanents. Les joueurs, qu’ils regrettent ou pas son départ, ont pour beaucoup reconnu avoir progressé sous ses ordres – certains devenant champions du monde à l’été 2014. Et il y a donc eu ces titres nationaux.
Plus que la facilité à remporter leur championnat, moins vraie en Espagne où les deux rivaux doivent en plus gérer l’Atlético, le problème des trois clubs surdimensionnés du football actuel est qu’ils vont généralement loin en Coupe d’Europe sans avoir à fournir trop d’efforts. Leur saison se résume donc à trois ou cinq matches compliqués et ultra importants, deux de plus que le PSG. Peu importe tout ce qui a pu se passer avant, une saison de neuf mois se joue, comme une Coupe du monde ou un Euro, sur des temps très courts, laissant au sort une place de plus en plus importante. Pour tout ce qu’elle avait de rebutant, la Grèce 2004 n’avait pas gagné de manière moins indiscutable que le Bayern 2013 et tous les vainqueurs des dix dernières années – hormis le Barça de l’an dernier, jamais mis en danger.
Guardiola, qui avait mal géré sa première demi-finale, est ensuite monté en puissance en même temps que son équipe. Au point, la troisième année, de proposer un match retour d’une qualité incroyable, probablement encore plus abouti dans l’expression collective totale que ce qu’il avait mis en place à Barcelone, où Lionel Messi masquait les moments un peu plus ternes. Son projet était beaucoup plus ambitieux que celui de Jupp Heynckes, et son potentiel largement supérieur. Il l’a fait dépendre de quelques profil, notamment celui de Jerome Boateng, dont les passes longues ont tout changé au retour, et s’est retrouvé plus vulnérable et prévisible sans eux – comme l’an dernier sans ailiers. Homme de construction plus que de coups, Pep Guardiola a su changer du tout au tout ses stratégies offensives, amenant passes longues et centres, ce qu’il ne faisait logiquement pas en Catalogne. Il a aussi beaucoup apporté au Bayern sur le plan technique et tactique. Mais il n’a pas gagné la Ligue des champions et, désormais, il paraît qu’on ne peut plus le tolérer...
Le match rétro : Espagne-URSS 1964
Julien Momont – Quatre ans après la première finale de l’Euro, ils sont trois Soviétiques encore présents pour réaliser un doublé au Bernabéu, contre l’Espagne: le gardien Yachine, l’inter Ivanov et l’avant-centre Ponedelnik. En face, l’Espagne est emmenée par Luis Suarez (l’autre) et l’ailier Amancio. Et l’on retrouve, entre la technique et la vivacité ibériques et la rigueur et la puissance soviétiques, une opposition de style du même ordre qu’au Parc des Princes en 1960 entre la Yougoslavie et l’URSS.
Même s’il est toujours compliqué de distinguer les organisations tactiques avec un zoom aussi prononcé sur le porteur de balle et avec un marquage individuel quasi généralisé qui casse les alignements collectifs, l’Espagne évolue encore en W-M, tandis que l’URSS est disposée dans ce que l’on appellerait aujourd’hui un 4-2-3-1. La Roja impose d’abord sa domination territoriale grâce à sa supériorité technique dans l’entrejeu et son toque, mais elle peine à trouver des espaces dans le derniers tiers soviétique, où le marquage individuel est serré. La vitesse d’Amancio crée toutefois des brèches, mais c’est un centre de Suarez qui aboutit à l’ouverture du score de l’inter Pereda. L’URSS se remet de son côté à l’activité de l’ailier gauche Kusainov, buteur sur l’égalisation (aidé par un Iribar peu réactif), tandis que le pivot Ponedelnik est très isolé en pointe. Un constat que l’on peut quelque peu étendre au mobile Marcelino côté espagnol, la faute à des blocs très étirés sur la longueur.
Les Soviétiques ont une bonne période après le retour des vestiaires, grâce à leur supériorité physique dans les duels. À cette époque, les combinaisons collectives restent assez sommaires, la faute aussi au terrain bosselé. Dans ce qui ressemble à une succession de duels en un contre un, les Espagnols font une deuxième fois la différence côté droit, par Pereda cette fois. La tête de Marcelino offre le sacre à domicile à la Roja. Le toque a triomphé de la robustesse sovétique. L’Espagne ne gagnera rien d’autre (hors JO) pendant quarante-quatre ans.
En vrac
Middlesbrough sera de retour en Premier League la saison prochaine. Ça a été laborieux contre Brighton, samedi, un match qui a permis de confirmer que le “jeu à l’anglaise” survit encore dans les échelons inférieurs pendant qu’il s’efface dans l’élite. Même à onze contre dix après l’expulsion de Stephens pour une horrible semelle qui a tailladé le mollet de Gaston Ramirez, Boro, entraîné par Aitor Karanka, a souffert pour préserver un nul (1-1) décisif. Brighton passera par les barrages.
Toulouse va le faire. Ou pas. On ne sait pas trop. En tout cas, avec un trio Regattin-Braithwaite-Ben Yedder remuant comme samedi contre Troyes (1-0 mais ça aurait dû faire beaucoup plus), le Téfécé aura de quoi inquiéter Angers. Pascal Dupraz a redonné de l’unité et de la solidité à un groupe qui manquait de cohésion. Le retour en grâce des expérimentés Didot (sur le terrain) et Sirieix (au moins sur le banc) pour encadrer les jeunes Blin, Lafont ou Diop n’y est pas étranger non plus. Le passage à une pointe (avec Braithwaite à gauche) a en outre étrangement relancé un Wissam Ben Yedder que l'on pensait incapable de briller seul en pointe (même si l'attaquant a été plutôt inefficace à Saint-Étienne et samedi soir).
André Ayew était déjà un très bon joueur de surface à l’OM, mais principalement dans les airs. À Swansea, à force de jouer avant-centre, le Ghanéen a acquis des réflexes de renard, comme sur le deuxième but des Gallois à West Ham ce week-end (3-1).
L'été dernier, l'Angleterre avait tiqué lorsque Liverpool avait dépensé plus de quarante millions d'euros pour Roberto Firmino, en provenance de Hoffenheim. Mais dix buts et sept passes décisives plus tard (en 23 titularisations en Premier League), le Brésilien a retourné l'opinion. Après deux grosses saisons en Bundesliga, l'indéfinissable Firmino, ni numéro 9 ni numéro 10, est un leader technique des Reds. Il l'a encore montré la semaine dernière, face à Villarreal (3-0) puis Watford (2-0). Avec au passage, un léger tour de rein pour Roberto Soldado.
La saison de Nice aura été fabuleuse et remplie de superbes performances individuelles, à commencer par Hatem Ben Arfa. Mais il ne faudrait pas oublier Valère Germain, double buteur lors de la victoire sur l'ASSE (2-0). Le sens du déplacement de l'attaquant prêté par Monaco a encore fait forte impression. Le ralentissement de sa course sur son second but, pour éviter le hors-jeu, est exemplaire.
Focus : PSV Eindhoven
Entraîneur : Philip Cocu
Système préférentiel : 4-3-3
Classement : 1er (champion)
Possession : 54% (4e)
Tirs par match : 18 (1er)
Tirs concédés par match : 11,7 (5e)
Tacles par match : 14,1 (14e)
Fautes par match : 10,2 (17e)
Joueur clé : Luuk de Jong : 26 buts, 8 passes décisives, 5 duels aériens gagnés, 3,9 tirs, 1,9 occasions créées par match.
(Statistiques WhoScored)
Les déclas
"Il y a cinq ans, tout le monde pensait qu'il fallait jouer comme Barcelone. C'était un peu 'Tu es un dinosaure si tu ne le fais pas'. L'art du football, c'est de gagner. Comment trouver un moyen de gagner beaucoup? Ce n'est pas une attaque contre quelqu'un, mais ça a toujours été 'le 4-4-2 traditionnel de Sean Dyche'. Leicester c'est pareil, l'Atlético aussi. C'est simplement rafraîchissant. Si l'équivalent de Burnley va affronter le Barça à son propre jeu, quel sera le résultat à votre avis? Il ne gagnera pas. Donc il faut les affronter différemment. On l'a bien fait, Leicester l'a bien fait et l'Atlético l'a bien fait. C'est une approche différente et elle a été très efficace pour nous trois."
Sean Dyche, entraîneur de Burnley, qu'il a ramené officiellement en Premier League, dans une interview au Daily Mail.
Les vidéos de la semaine
Trois vidéos pour le prix d'une cette semaine. L'Euro U17 se dispute actuellement en Azerbaïdjan. La compétition a mal débuté pour l'équipe de France de Bernard Diomède, qui ne compte qu'un seul point et aucun but marqué après deux matchs, dont une défaite face à l'Angleterre. Mais les petits Bleus comptent quelques talents. Le blog Football Hunting en a choisi trois lors du premier match contre le Danemark (0-0): Dan Axel Zagadou, Mickaël Cuisance et Hakim El Mokkedem, dans l'ordre.
La revue de presse (presque) anglophone
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Sur le même sujet, Leicester a aussi bénéficié d'une gestion quasi parfaite de la condition physique de ses joueurs.
Dans les moments de forte pression, la qualité de prise de décision importe plus que le talent brut.