La Gazette, numéro 26
L'intimidation des arbitres, une certaine idée du pouvoir?
Certains nous reprocheront des fixations sur les mêmes personnages, mais Jean-Michel Aulas ne peut s'empêcher de nous provoquer. Alors même que les arbitres, mais aussi la fédération lors de sa dernière assemblée, ont essayé de rappeler à l'ordre les dirigeants et les entraîneurs qui dépassent les bornes, le président de Lyon et vice-président de la Ligue ne cesse d'œuvrer sur le terrain boueux des pressions de couloir. C'est cette fois un fax pour contester la désignation de M. Layek qui motive la colère de Courbis, une colère qu'on épouserait presque, pour une fois, déduction faite de l'intox (la télécopie n'a pas été adressée à l'arbitre lui-même, qui déclare n'en avoir pas eu connaissance, mais plus vraisemblablement à la Ligue). À l'arrivée, on renverra tout le monde dos-à-dos. La réaction du coach lensois ne lui sert qu'à en rajouter une couche et à faire porter une suspicion supplémentaire sur l'arbitre qui, quoi qu'il arrive, reste l'otage de l'histoire. Il lui est simplement demandé de rester tranquille sous ce feu croisé.
Étrangement, l'UNAF (Union nationale des arbitres de football) ne s'en est pris qu'aux propos de Courbis, qui a certes indirectement mis en cause l'arbitrage (sous le coup d'un énervement non simulé), mais le comportement de son adversaire n'est pas moins coupable, d'autant que c'est un multirécidiviste.
On a déjà le sentiment que les dirigeants bénéficient d'une quasi-impunité grâce aux jugements amicaux de la Commission d'appel, mais cette cuisine devient un peu trop voyante. Pour information, Aulas doit être entendu par la commission de discipline, à la suite de ses propos tenus à l'occasion de Lyon-Sedan, arbitré par… M. Layek. Le président olympien n'a pas envie d'être arbitré par un homme qui a consigné dans un rapport ses précédentes exactions?
Avec la Ligue totalement aux mains d'un cartel de dirigeants, depuis les élections de juillet, on a l'impression qu'il y a un grave problème de police dans le championnat. L'auto-arbitrage, ça ne marche pas avec les voyous, quand bien même ils porteraient cravate.
Dans le Pathé
Désœuvré ce lundi soir, un de nos rédacteurs a été consigné devant Pathé Sport pour assister à "Côté tribune", émission de débat animée par quelques plumes de la presse sportive, qui recevait Jean-Claude Darmon. Alléché par une telle vedette, nous espérions y glaner quelque motif d'énervement à l'encontre de notre incarnation préférée du foot-biz. Hélas, six bonshommes qui parlent en même temps de plusieurs sujets à la fois (transferts, passeports, argent, PSG, OM, Loto Sportif…), ça ne donne pas grand-chose, surtout pas un débat. Le "haut de gamme" du journalisme sportif à la télé est une notion très relative.
Chère Coupe du monde
La FIFA avait brillamment vendu les droits télé des Coupes du monde 2002 et 2006 pour le montant record de 11 milliards de francs, au groupe Kirch pour l'Europe et à ISL pour le reste du monde. La confédération mondiale engrangeait ainsi un pactole et se dégageait du souci de commercialiser ses CM. Le souci est désormais pour les télévisions européennes, avant de se reporter sur les téléspectateurs eux-mêmes. Kirch, qui a investi pour près de 8 milliards de francs, avait ainsi posé la barre très haut, réclamant par exemple près de 1,5 MaF aux télévisions françaises (Libération, 05/01/2000). À l'automne, le front du refus qui s'était dressé un peu partout devant l'opérateur avait laissé penser que celui-ci allait ravaler ses prétentions.
Mais Kirch sait que les télévisions payantes ouvrent des brèches et rendent le marché nettement plus concurrentiel. Si les matches des équipes nationales seront bien "en clair" (les dirigeants s'y sont engagés), les autres packages attirent déjà des réseaux qui veulent leur part du gâteau, et n'hésitent pas à y mettre le prix. Ainsi, Via Digital (télévision par satellite), a acquis les droits pour l'Espagne en déboursant 1,3 MaF. Il y a quelques jours, un accord a été conclu avec ARD et ZDF, les deux chaînes publiques allemandes qui ont acheté 24 des 64 matches, pour 760MF (L'Equipe, 09/01). La solidarité initiale de l'UER (la structure commune des principales télévisions généralistes européennes) a donc volé en éclats, le marché a fixé les prix, et Dieter Hahn, le patron du groupe allemand, voit venir les autres négociations avec plus de sérénité.
Au bout de la chaîne, c'est au téléspectateur que sera présentée l'addition, avec la multiplication des accès payants, qui vont saucissonner allègrement le plus grand événement footballistique. La FIFA s'en fout, ses coffres sont pleins.
L'inflation des droits de retransmission des grands événements sportifs ne s'essouffle donc pas, après deux décennies d'une invraisemblable fuite en avant. On peut se demander si un certain échec commercial n'est cependant pas à prévoir, pour une édition 2002 du Mondial dont les rencontres se disputeront à 8h30, 11h30 et 13h30, heure européenne… Mais pour Deutschland 2006, Kirch est encore plus confiant…