Owen 1998, la réponse à Diego
Un jour, un but - Le 30 juin 1998 à Geoffroy-Guichard, Michael Owen déboîte toute la défense de l’équipe d’Argentine pour planter le plus beau but de cette Coupe du monde.
Sa course folle zèbre la pelouse de Geoffroy-Guichard. Michael Owen est lancé plein axe dans le rond central. Il contrôle la balle d’une aile de pigeon, lui donnant suffisamment d’impulsion pour prendre José Chamot de vitesse. Le numéro 3 argentin s’efforce de se remettre dans la course du jeune Anglais, de le faire tomber à défaut de lui chiper le ballon.
Mais l’Anglais en question est lancé comme une fusée. Il fonce droit devant. Dans l’arc de cercle de la surface de réparation l’attend Roberto Ayala. D’un coup de patte vers la droite, Owen élimine le défenseur argentin, incroyablement statique. Sans doute celui-ci est-il tétanisé à l’idée de faire tomber son adversaire. Le numéro 2 argentin a encore en tête le penalty qu’il a provoqué cinq minutes plus tôt en faisant tomber le feu follet anglais. Un penalty qui a permis à Alan Shearer d’égaliser dès la 10e minute, et annulé le précieux avantage donné par Gabriel Batistuta en tout début du match, sur penalty également. Cet Argentine-Angleterre du 30 juin 1998, huitième de finale de la Coupe du monde française, a commencé sur des bases élevées.
Pleine lucarne
Nous ne sommes qu’à la fin du premier quart d’heure lorsque Michael Owen sème donc à nouveau la panique dans la défense argentine. En évitant Ayala, il s’est déporté sur la droite et semble à bout de course. C’est du moins ce qu’analyse Paul Scholes qui s’est approché du ballon. Mais Michael Owen a gardé suffisamment de contrôle pour redresser la course et frapper. Angel Roa, le gardien argentin, fait ce qu’il peut pour boucher l’angle mais il ne parvient pas à s’opposer à la frappe. Le ballon va se ficher en pleine lucarne.
Une action de classe et de culot. Michael Owen, dix-neuf ans et demi, attaquant de Liverpool et de l’équipe d’Angleterre, vient de planter le plus beau but de la compétition [1]. Il paraphe surtout la réponse de l’Angleterre au prodigieux solo d’un certain Diego Maradona, douze ans plus tôt à Mexico.
Deux penalties dans les dix premières minutes, puis un but de légende. La suite est tout aussi mémorable: l’Argentine égalisera à 2-2 juste avant la pause. En deuxième période, l’autre jeune premier de l’équipe, David Beckham, se fera exclure pour avoir donné un bête coup de pied à Diego Simeone. Il y aura du suspense, des prolongations, un but de Campbell refusé alors qu’il semblait bien valable, et puis la série de tirs aux buts qui tournera à l’avantage des Argentins.
Démarrage fulgurant
La chronique n’a pas oublié que le sélectionneur de l’époque, Glenn Hoddle, a longtemps hésité avant d’emmener le gamin de Liverpool en France. Trop jeune, trop tendre. Mais Michael Owen est une nature précoce et son début de carrière ressemble aux démarrages foudroyants dont il s’est fait une spécialité. Son premier match pro, Liverpool-Wimbledon, date de mai 1997. Il a dix-sept ans et demi. Il connaît sa première sélection neuf mois plus tard, lors d’un Angleterre-Chili à Wembley. À dix-huit ans et 59 jours, il devient le plus jeune joueur jamais sélectionné en équipe d’Angleterre au cours du vingtième siècle. Il dispute son premier match de Coupe du monde à peine un an après ses débuts pro, contre la Tunisie à Marseille. Puis marque son premier but trois jours plus tard à Toulouse face à la Roumanie.
Michael Owen a marqué le Mondial 1998 de son empreinte. Son talent précoce lui promet un avenir brillant. Il recevra le Ballon d’Or dès l’âge de vingt-deux ans, en 2001. Mais Michael Owen ne marquera pas d’autres tournois d’envergure, et ne confirmera jamais tous les espoirs que l’Angleterre plaçait en lui. La faute à des blessures et des mauvais choix de carrière. Le jour où il annonce la fin de celle-ci, c’est son but de Saint-Étienne qui tourne en boucle dans les réseaux sociaux.
[1] Un autre but est considéré comme le but beau de la Coupe du monde 1998, celui de Dennis Bergkamp… contre l’Argentine également. Le gardien Angel Roa serait donc le mieux placé pour départager les deux chefs-d’œuvre. Mais il a préféré abandonner le foot pour entrer dans les ordres.
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