Thuram 1998, buteur dubitatif
Un jour, deux buts – Le 8 juillet 1998 au stade de France, des Bleus en difficulté face à la Croatie en demi-finale de leur Coupe du monde se découvrent un buteur inattendu...
Alors il se releva, resta sur les genoux et posa son index sous le nez, l’air interrogateur. "Bon sang, qu’est-ce qui m’arrive?" semblait dire son geste. "Je ne marque quasiment jamais de but, et me voilà qui plante un doublé en demi-finale de la Coupe du monde!"
Ce 8 juillet 1998 est le jour de Lilian Thuram. Le défenseur de Parme est impliqué dans les trois buts de la rencontre: une erreur de placement qui provoque l’ouverture du score des adversaires croates, et deux actions tranchantes aux avant-postes où il inscrit les buts qui qualifient les Bleus pour leur première finale d'un Mondial.
Né un 8 juillet
Il s’en est fallu de peu que la demi-finale de la Coupe du monde 1998 oppose la France à l’Allemagne, seize ans jour pour jour après Séville. Mais le rendez-vous tant attendu a été reporté pour cause de défaillance des champions d’Europe en titre, littéralement balayés (3-0) en quart de finale à Lyon par une équipe de Croatie euphorique.
Cette formation croate, riche de talents individuels et portée par cette force propre aux nations fraîchement indépendantes, est la sensation de cette compétition hexagonale. À Saint-Denis, les joueurs au damier donnent bien du fil à retordre aux hommes d’Aimé Jacquet, au point que celui-ci poussera une gueulante historique dans les vestiaires, à la mi-temps.
Non-aligné
Au retour sur le terrain, rien ne s’arrange vraiment puisque les Français encaissent d’entrée un but de Davor Šuker. L’attaquant croate, superbement lancé par Aliocha Asanovic, bénéficie d’une erreur de placement d’un défenseur français, qui ne s’est pas aligné sur ses coéquipiers pour jouer le hors-jeu. Et ce défenseur, c’est Lilian Thuram.
Tandis que la télévision diffuse et rediffuse les ralentis du but sous tous les angles, une attaque des Français, côté droit, est avortée par la défense croate. Zvonimir Boban cherche un partenaire, traîne un peu et se fait subtiliser le ballon par Lilian Thuram. Le Parmesan se prend soudain pour un avant-centre. Il sollicite Youri Djorkaeff pour un une-deux, reçoit le ballon au niveau du point de penalty et, du pied droit, trompe Dražen Ladic.
Abasourdi
On retrouve Lilian Thuram un peu plus tard, toujours à l’attaque sur son aile droite. Il sollicite Thierry Henry pour un une-deux un peu présomptueux où les Croates s’interposent. Mais Robert Jarni, comme Boban vingt minutes plus tôt, se fait piquer le ballon par Lilian Thuram. Au abords de la surface, le Parmesan déclenche du pied gauche une frappe brossée qui contourne idéalement le gardien et va se loger dans le petit filet.
Tout le monde est abasourdi par le doublé de Lilian Thuram, y compris l’intéressé. Sa célébration inédite, et certainement improvisée, passe à la postérité en même temps que ses deux buts. Les Bleus tiendront le résultat jusqu’au bout, malgré l’exclusion de Laurent Blanc, coupable d’une gifle à un adversaire. Après trois tentatives infructueuses (1958, 1982, 1986), la France accède à la finale de la Coupe du monde.