Toko 1982, toujours le plus beau
Un jour, un but – Le 28 septembre 1982, Nambatingue Toko inscrit face au Lokomotiv Sofia le premier but décisif de l’histoire européenne du Paris SG. Et sans doute le plus beau, quoi qu’il en dise.
"C’est le plus beau but de votre carrière?" Et Toko de répondre : "Ben non! Vous me connaissez… J’ai marqué des plus beaux buts que ça, quand même?" Sans doute son savoureux commentaire en fin de match a-t-il contribué à rendre le but de Toko un peu plus présent dans les mémoires. En cet automne 1982, le Paris Saint-Germain n’a que douze années d’existence, mais déjà huit saisons en Première division. Pour la première fois, il dispute une épreuve européenne. La mémorable victoire en finale de la Coupe de France, arrachée aux tirs au but face à l’AS Saint-Étienne, lui permet de jouer la Coupe d’Europe des Vainqueurs de Coupe.
Locomotive
Le club de la capitale ne manque pas de moyens. Il a été l’un des grands animateurs du marché des transferts et s’est notamment renforcé de joueurs de calibre international. À défaut d’avoir pu enrôler le Yougoslave Safet Susic, retenu au dernier moment par sa fédération, le club du président Borelli signe l’Argentin Osvaldo Ardiles, champion du monde 1978, et le buteur néerlandais Kees Kist, soulier d’or européen 1979. Ces recrues de choix s’ajoutent à un effectif déjà bien étoffé, avec ses valeurs sûres (Bathenay, Baratelli, Rocheteau, Dahleb, Toko...) et ses jeunes prometteurs (Fernandez, Lemoult, Pilorget, Guillochon, etc.).
C’est le Lokomotiv Sofia qui accueille le PSG au premier tour aller de la C2. Un de ces clubs des pays de l’Est dont on ne sait pas grand-chose, sinon que leur stade ressemble bien souvent à un traquenard. Privés de leur meneur de jeu Mustapha Dahleb, les hommes de Georges Peyroche ne font pas un grand match. Ils encaissent un but très rapidement (Milanov, 15e) et sont copieusement bousculés. Ils parviennent toutefois à assurer l’essentiel et à ne concéder qu’un petit 1-0.
Le match retour, mardi 28 septembre 1982, est diffusé en direct à la télévision - une chose pas si évidente à l’époque, où d’aucuns considèrent encore que le petit écran vide les tribunes. Le président Francis Borelli s’oppose ainsi à son homologue bordelais Claude Bez, qui refuse quasi-systématiquement que soient diffusés les matches européens des Girondins à domicile. Une option qui, n’en doutons pas, a beaucoup nui à la popularité de son équipe, pourtant très performante sur le plan européen.
Wagon
Au Parc, l’absence de Dominique Rocheteau s’ajoute à celle de Dahleb. Georges Peyroche titularise donc Toko aux cotés de Kist et ajoute un troisième attaquant, Michel N’Gom. Le PSG joue plutôt bien, et après vingt minutes de jeu, il a déjà refait son retard: Le débordement de Bathenay désarticule la défense bulgare et le centre de l’ancien Stéphanois trouve Toko, complètement esseulé, qui n’a plus qu’à pousser le ballon dans la cage.
Le PSG maîtrise bien son match. En face, l’équipe bulgare, dans son maillot rouge et noir, se montre finalement assez limitée. Elle ne se procure aucune occasion durant la première période et est toute heureuse d’atteindre la mi-temps avec un seul but encaissé. Après la pause pourtant, le dénommé Bogdanov profite d’une faille spatio-temporelle dans la défense parisienne pour frapper de loin. Le ballon percute le haut du poteau et entre dans la cage sous les yeux d’un Baratelli complètement impuissant.
Le PSG doit donc inscrire deux buts supplémentaires et il découvre alors ce qu’est vraiment la Coupe d’Europe: la tension si particulière qui circule dans les travées, le chronomètre qui défile plus vite qu’à l’accoutumée, l’adversaire qui ne paie pas de mine mais au métier bien consommé. Cette ambiance, Dominique Bathenay la connaît. Le capitaine du Paris Saint-Germain était des grandes campagnes de l’AS Saint-Etienne et son expérience va être précieuse. C’est lui qui à l’heure de jeu sort ses coéquipiers de la torpeur. D’une frappe lointaine en pleine lucarne, il porte le score à 2-1 avec un but qui rappelle irrésistiblement celui contre Liverpool, à Anfield, en 1977.
Rails
Mais il reste au PSG à inscrire un troisième but. Les hommes de Georges Peyroche se déploient en ce sens, face à un adversaire qui lui résiste héroïquement. Et déjà le match entre dans ses dix dernières minutes. Le PSG obtient un corner que tire Pascal Zaremba. Un peu trop fort. Sur la ligne des seize mètres, Luis Fernandez reprend de la tête, il est contré, mais Jean Claude Lemoult récupère et lance aussitôt Zaremba resté sur la droite. La défense bulgare, qui remonte, est prise à revers par le débordement du milieu parisien qui centre. Au niveau du point de penalty, Toko est seul au milieu de quatre défenseurs bulgares. Le ballon lui arrive légèrement dans le dos. La reprise de volée est pure, superbe, "peléenne". Le gardien, surpris, ne fait que regarder le ballon franchir la ligne. Le seul qui plonge, c’est Osvaldo Ardiles qui s’en va embrasser, dans la cage, ce ballon miraculeux.
Le Parc des Princes explose de soulagement. Le PSG s’est remis sur les rails, le public est aux anges, tout comme pas mal de Français rivés devant leurs téléviseurs. Bien que qualifié, le PSG profite des dernières minutes à jouer pour régaler l’assistance: Michel N’Gom inscrit un quatrième but (84e), puis en offre un cinquième à Jean-Claude Lemoult (89e). Le match se termine dans une euphorie contenue. Sur le terrain, le reporter TV Georges Dominique tend son micro et arrache quelques banalités à Georges Peyroche et Francis Borelli. Puis il s’approche de Toko qui lui balance la petite phrase qui entrera dans la légende. Rien de prétentieux dans les mots du buteur tchadien. Juste un peu d’agacement sur le fait qu’on remette toujours ses qualités en cause alors qu’il a maintes fois été décisif pour son club.
Le Tchadien a passé cinq saisons au PSG. Il a inscrit un but lors des deux finales de Coupe de France rempotées par son club, en 1982 contre Saint-Étienne (il ouvre le score) et en 1983 contre Nantes (le but de la victoire). Il a également marqué lors du deuxième tour de cette Coupe des Coupes à Swansea. Toko a inscrit une cinquantaine de buts pour le Paris Saint-Germain. Mais on ne sait toujours pas lequel était le plus beau.
Un jour, un but...
Hurst 1966, contesté à jamais
Carlos Alberto 1970, l'offrande du Roi
Sparwasser 1974, au-dessus du mur
Panenka 1976, le penalty de velours
Gemmill 1978, point G de l'Écosse
Arconada 1984, naufrage au Parc
Maradona 1994, le dernier cri
Laghrissi 1994, le billet pour l'Amérique
Gazza 1996, pourvu qu'on ait l'ivresse
Wiltord 2000, héros sur le tard
Trezeguet 2000, de l'or sous la barre