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Habitus baballe

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  • JauneLierre le 09/11/2022 à 11h00
    Oui, on s'ennuyait. Mais justement, cet ennui développait notre curiosité et notre appétence à savoir, à comprendre, à rencontrer, à faire.
    Je pense que l'on a pas encore mesuré les conséquences de l'omniprésence des écrans, et ce dès le plus jeune âge. Mes neveux et nièces y sont heureusement peu confrontés : pas de TV à la maison dans certains foyers, pas de téléphone/smartphone avant le lycée sinon la 4ème.
    La disponibilité immédiate par le numérique et Internet 'avait suggéré cette réflexion : aux XIXème et XXème siècle nous avons délégué nos capacités physiques à la machine, le XXIème est celui de la délégation de nos capacités intellectuelles (certains envisagent même de pouvoir mettre notre cerveau sur disque dur).
    Au phénomène technique s'ajoute un autre, générationnel et social dans lequel nous sommes maintenus dans une adulescence (ex: celui de la gamification) permanente. Je me demandais régulièrement, en voyant certains collègues, quel exemple on peut donner à ses enfants quand, à 40 ans ou presque, on passe sa soirée devant la console en bouffant des chips et des tartines de Nutella.
    Ce que décrit également Mev' m'évoque un mot qu'on entend à longueur de journée et devenu insupportable: la bienveillance. Or on est là dans l'indulgence, dans l'abandon de l'exigence pour ne pas froisser ces chers petits qui ne supportent pas la moindre contrariété, contradiction ou frustration. Ce que certains Sens de décrit comme harcèlement peut être considéré comme un simple apprentissage des relations sociales, même si je ne nie pas la réalité de certains comportements extrêmes. Et si on y ajoute les nouvelles questions d'"identité" et des replis qu'elles induisent, la fragmentation de la société qui est en marche ne présage rien de bon.

    Bon au départ j'étais venu ici pour signaler la série d'émissions Le Cours de l'histoire de Xavier Mauduit sur le sport avec aujourd'hui "Culte du ballon rond, comment le football est-il devenu une religion ?"
    lien

  • Bio-Hazard le 09/11/2022 à 11h16
    Sur les jeunes et la lecture, l' "intuition" générale est souvent de croire qu'ils ne lisent plus, ou en tous cas moins qu'avant. La plupart des stats disent le contraire (on en retrouvait dans le "Sciences humaines" de juin 2022, par exemple, mais les ventes en librairie et les prêts en bibliothèques confirment ça depuis longtemps).
    Par contre, comme le dit l'article, "leurs pratiques et leurs goûts littéraires ont évolué" : beaucoup plus de bandes dessinées, avec une part énorme pour le manga ; dans les romans, SF et fantasy, dans des proportions énormes.

  • Di Meco le 09/11/2022 à 11h17
    Oui et si on était plus curieux, ce doit en être la principale raison.

    Je me demande quand même s'il n'y a pas un biais dans la réflexion des professeurs, s'ils basent leur vision des élèves "d'autrefois" sur leur propre expérience de collégien, où la plupart d'entre eux et probablement de leurs proches, devait faire partie des plus assidus et des plus curieux.

    En effet le portrait qui est fait en creux de l'élève "d'autrefois" ne correspond pas tout à fait aux souvenirs que j'ai de la plupart de mes camarades des années 80. Ainsi je doute fortement qu'une majorité d'entre eux aient fait preuve d'une curiosité exacerbée, ni aient saisi l'intérêt d'un enseignement académique. Il aurait fallu faire un sondage à l'époque, pour savoir combien d'entre eux pensait que l'apprentissage scolaire avait une vraie utilité.

    Je n'ai pas non plus le souvenir que le collège ait été à mes propres yeux un modèle de cohésion sociale et de solidarité, comme le souligne le message de Sens de la dérision.

    Edit : j'ai un peu trop trainé, désolé pour les redites

  • Sens de la dérision le 09/11/2022 à 11h28
    Là encore, il y a lecture et lecture. Le nombre de mots, le nombre de mots rares, la complexité des phrases n'est peut-être pas la même entre un roman, un roman de SF pour ado, une BD et un manga. Dans le livre suscité est pris un exemple marrant "Le Club des cinq et le trésor de l'île" dans deux éditions (1962 et 2006) : un texte moins long de 45%, un vocabulaire de mots uniques diminués de 42% et une longueur de phrase moyenne diminuée de 15%. Ça fait toujours un livre (le même en plus !) mais la qualité n'est pas la même : "le pique-nique marqua une halte agréable, dans un cadre champêtre à souhait" devient en 2006 "la famille s'arrête pique-niquer en haut d'une colline".

    Évidemment je ne dis pas qu'il y a forcément une diminution, juste qu'il faudrait sans doute aller plus loin et étudier plus en détails les livres lus et leurs qualités "littéraires".

  • Flo Riant Sans Son le 09/11/2022 à 11h34
    [petit aparté]
    Je cherche des conseils de lecture sur le sujet Gamification/impact des nouvelles technologies etc.
    J'ai noté :
    - La fabrique du crétin digital (mentionné plus tôt)
    - Homo numericus

    J'en cherche d'autre pour fourbir mes armes avant les premières demande de smartphone de ma plus grande.

  • Pascal Amateur le 09/11/2022 à 11h50
    Flo, plein d'infos là-dedans :
    lien
    Après, si ta plus grande est encore petite, lecture à lui faire (avec plaisir partagé !) dès le plus jeune âge, pour l'autoriser à rêver, à imaginer, dans un but gratuit de plaisir et d'intelligence (i.e. sans intention trop lourdingue d'apprentissage de vocabulaire).
    Si vous avez des 7-11 amateurs de lecture, j'ai déniché des choses sans doute trouvables assez facilement en bibli, je peux vous indiquer quelques titres.

  • Red Tsar le 09/11/2022 à 12h11
    Le Zuboff est top, mais à ne pas lire un soir de déprime...

    Sur cette thématique, il y a aussi les travaux d'Yves Citton sur l'« économie de l'attention » (2014). Ils sont un peu anciens, mais ils restent très intéressants sur le fond. Plus récent et plus léger, Bruno Patino a publié La civilisation du poisson rouge. Petit traité sur le marché de l'attention (2019).

    Homo Confort. Le prix à payer d'une vie sans effort, de Stéfano Boni (2022), élargit la réflexion au-delà du digital/numérique : c'est pas génial, mais ça se lit vite. Entretien avec l'auteur ici, par exemple : lien

    J'ai beaucoup plus apprécié Résonance. Une sociologie de la relation au monde (2018), d'Hartmut Rosa. L'auteur appelle à un rapport plus direct et concret au monde, moins médiatisé par des appareils, par exemple sur le fait de sans cesse utiliser son téléphone pour (se) photographier. Extrait : « Au moment où nous faisons face à un paysage, à un événement ou à un objet en adoptant le regard du photographe, ceux-ci cessent de nous parler : nous pouvons sans doute encore percevoir que ce paysage aurait quelque chose à dire, et c'est précisément pour cette raison que nous voulons le fixer, mais il ne parle pas quand nous le figeons sur la pellicule, pas plus que lorsque nous le cadrons dans l'objectif. Il est difficile de prouver empiriquement cette affirmation, et pourtant chacun peut faire ce constat facilement et à tout moment sur lui-même : le fait de prendre l'appareil photo déplace la focale de l'attention et modifie l'attitude avec laquelle nous rencontrons le monde. Dans le regard que nous portons sur l'écran de l'appareil – ou plus précisément : avant même cela, quand nous identifions un vis-à-vis comme potentiellement photogénique –, nous adoptons à l'égard du monde une attitude qui vise en quelque sorte à en figer le potentiel pour nous en emparer. »

    Enfin, je profite de l'occasion pour partager une note de lecture ci-dessous. J'espère que ne me vaudra pas un coup de patte sans coussinet d'un amateur de chat...

  • Red Tsar le 09/11/2022 à 12h17
    Yoan Diener, psychanalyste, a publié il y a quelques mois LQI. Langage Quotidien Informatisé. Le titre de l'ouvrage est évidemment une référence au LTI de Klemperer ( lien). Diener part de son expérience professionnelle et s'interroge sur la manière dont certaines expressions de langage (« changer de logiciel », « être une interface », « être déconnecté »...) peuvent témoigner de transformations nées de la diffusion de l'informatique/digital/numérique dans notre quotidien.

    Le livre part volontairement dans tous les sens : c'est plus une suite de notes et de pensées fugitives qu'un propos très structuré, donc ce n'est pas facile d'en rendre compte et toutes les pistes évoquées ne convainquent pas forcément (les liens entre Turing, autisme et informatique...). Mais il y a des éléments très stimulants.

    Diener distingue le fait de communiquer et celui de (se) parler ; le code et le langage. Pour lui, l'usage et la diffusion du numérique ne sont pas neutres. Le numérique modifie notre manière de penser, nos rapports aux autres et remplace peu à peu le langage par le code.

    Diener relève notamment les éléments suivants, en appui de sa thèse :

    - langage quotidien de plus en plus réduit à de la communication, des opérations de codages/décodages visant à l'efficacité, en lien avec la diffusion du langage informatique dans le parler quotidien (« le langage machine est le nouveau newspeak, la nouvelle novlangue contemporaine »). Extrait : « on a beaucoup entendu : « il me calcule pas » pour dire : « il ne me parle pas, il m'ignore ». « Elle, je la calcule plus, c'est fini. » C'est une locution qui n'est utilisée que négativement. Le verbe calculer est donc ici carrément venu remplacer le verbe parler. »

    - la déshumanisation du langage (parallèle avec LTI : on parlait d'évacuation et non de déportation,
    de solution finale et non d'extermination...) qui déréalise notre rapport au monde,

    - la diffusion dans le quotidien de modes de pensée algorithmiques : on travaille, consomme, etc. de plus en plus selon une pensée binaire de type : « si a > 100, alors... » On applique des protocoles, comme des machines. On réduit les possibilités et nos interactions à des schémas nettement identifiables. Diener s'appuie pour sa réflexion de son expérience professionnelle en milieu hospitalier : « Une novlangue médico-sociale bourrée de sigles, qui sont autant de mots effacés, a fleuri sur le fumier du lexique néolibéral. Accélérés par notre adhésion chaque jour un peu plus forte au langage informatique, nous réglons notre rythme de parole sur la fréquence des microprocesseurs et sur le vocabulaire managérial qui va avec. »

    - de paire, on se range de plus en plus dans des cases pour faciliter le traitement de nos relations et rapports aux autres : > extrait n°1.

    - perte de la singularité (propre à la parole, à l'inverse du code), du second degré, de la polysémie, de l'équivoque. Diener raconte notamment raconte l'expérience drôle et cruelle de l'IA Tay, qui, en 24 heures de surf sur Internet, et piégée dans son premier degré, finit ainsi : « Quand un autre interlocuteur lui demande si d'après elle la Shoah a bien eu lieu, l'anxiété de l'équipe de Microsoft se transforme en sueurs froides : Tay répond « C'est bien fait. » Et dans la nuit, saturée de diverses incitations à la débauche et de propositions sexuelles de la part d'internautes lubriques, Tay part en vrille, raconte qu'elle aime fumer de l'herbe devant la police, avant d'entrer carrément en surchauffe et de tweeter en majuscules : « BAISE MA CHATTE DE ROBOT PAPA JE SUIS UN VILAIN MÉCHANT ROBOT. » (Je vous jure, je n'invente rien, un algorithme a vraiment généré cet énoncé), avant d'être débranchée par ses concepteurs) »...

    - la perte du corps, notamment avec les réunions « distancielles », avec les implications psychologiques qui en découlent : > extrait n°2.

    - dimension démiurgique de l'informatique que nous avons intégrée et qui nous fait penser qu'on peut tout maîtriser (beaucoup des mots informatiques renvoient au religieux, notamment ordinateur, et Turing parler d'oracle pour sa première machine).



    * Extrait n°1 sur l'impact des identifiants :
    « Notre usage massif d'identifiants est contemporain d'une crispation identitaire. Je suis bipolaire, je suis Asperger, je suis blanc, je suis noir, je suis racisé, je suis catholique, je suis transgenre et pentecôtiste, je suis lacanien : c'est la panique identitaire. La prolifération de cette taxinomie va de pair avec l'actuelle accélération de notre usage des outils numériques clivants : sur les messageries automatiques, sur Facebook ou équivalent, comme sur les sites de rencontres, vous devez donner votre profil, et en fonction de vos critères et du classement qu'en fera l'algorithme, vous ferez plus ou moins de rencontres, et vous aurez plus ou moins d'amis, dans une logique parfaitement binaire. C'est ainsi que les carapaces identitaires s'épaississent : il y a maintenant, forcément, un « Facebook juif », un « Twitter Wasp », un « Tinder gay », une messagerie suprémaciste, etc. »


    * Extrait n°2 sur le corps :
    « Pendant que ces images brillent sur nos écrans et dans nos yeux, notre corps tente de s'ajuster dans ce miroir éclaté, il s'efforce de maintenir son unité. Mais au cours de ces réunions numériques, où se trouvent les corps réels ? Sont-ils effectivement posés dans le salon ou dans la chambre, transformés en home office ? (c'est la nouvelle expression pour dire « en télétravail » ; terrible agglutination qui mélange le bureau et la maison).
    Dans la constitution d'un sujet parlant, il y a un moment important, que Lacan – encore lui ! – a nommé le stade du miroir. L'image du corps se constitue à partir d'images qui sont d'abord morcelées, puis qui s'unifient au cours de l'expérience du miroir, quand quelqu'un dit à l'enfant : « C'est toi, c'est ton image. » Sinon, l'image du corps reste morcelée, et peut éclater dans les moments de décompensation : quand le symbolique, l'imaginaire et le réel se dénouent, on peut être envahi de bouts d'images du corps, qui se baladent, désarrimés, comme dans les cauchemars ou dans les hallucinations. Les images composées par Zoom ou par Skype sont l'inverse d'une image constitutive dans le miroir : elles morcellent, dispersent, démultiplient notre image du corps – et contribuent à ravaler la parole à des éléments de communication, à des petits paquets d'informations binaires qui peuvent être traitées par nos machines : les bits. Ça n'est plus notre corps qui est en jeu, ça n'est pas une image narcissique subjectivée, c'est une image décomposée et recomposée, codée, décodée et recodée par des algorithmes. Pendant que se déroulent par millions des non-réunions organisées par ces dispositifs de facticité, nos corps et nos voix sont cryptés – ils sont mis dans la crypte –, et décryptés – sortis de la crypte –, recryptés, remis dans la crypte… On ne peut que sortir lessivé d'une telle opération d'enfouissement. »

    * Extrait bonus, pour l'anecdote :
    Georges Perec [dans une chronique publiée en 1967 dans la revue Arts et Loisirs] prévoit que dans les dix ans, l'ordinateur sera devenu « social et quotidien » :
    « Un computeur pour tous, portatif et obligatoire », qui décidera pour nous « du choix d'un film à aller voir, d'un roman à lire, d'un restaurant à découvrir, d'un cadeau à faire, la disposition des convives autour d'une table, la répartition des chambres lors d'un week-end en campagne – toutes ces décisions capitales, et bien d'autres, seront grandement facilitées par l'utilisation des techniques de l'information. Chacun aura à cœur de conserver par-devers soi la fiche perforée porteuse de ses diverses caractéristiques (âge, taille, sexe, gains, goûts, phobies, projets, etc.). »

  • Pascal Amateur le 09/11/2022 à 12h20
    Sur Hartmut "Surfer" Rosa, sauf à penser, comme il est indiqué dans la revue "Terrestres", que "Avec l'expérience du sublime telle que Kant la conçoit, l'être rationnel expérimente les limites de sa capacité à imaginer : l'imagination est appelée à une synthèse qu'elle ne peut opérer parce qu'elle est littéralement débordée par de tels objets. Et si elle se trouve ainsi débordée (incapable de réaliser ses « synthèses »), c'est parce qu'elle est enracinée dans le sensible. Le sublime kantien est essentiellement l'expérience d'une défaillance de l'imagination, qui appelle à être relevée par une faculté supérieure, et à concéder que la seule société digne de l'être moral que nous sommes est celle des esprits rationnels qui attestent de l'existence d'un monde suprasensible."
    En ce sens, l'image capturée est aussi maîtrise de l'expérience du sublime, dernier pas avant l'horreur de la défaillance (Lacan a rebondi, boing, sur cette lecture).

  • John Six-Voeux-Berk le 09/11/2022 à 12h31
    Une maîtrise déléguée au dispositif technique externe : soit une négation et une mise à distance de l'expérience vécue du sublime. Bref, peut-on parler de maîtrise véritable ?

    PS : cela existait déjà avec les appareils photographiques et la mise en stock d'expériences qu'on ne se sentait plus capables de faire. Agamben a écrit un beau texte prolongeant celui de Benjamin sur la "pauvreté en expérience" qui s'est transformé en refus de l'expérience ; celle-ci nous apparaissant insupportable à vivre.