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Feuilles de match et feuilles de maîtres

Qui a dit que football et littérature étaient incompatibles ? Voici le forum où vous pourrez parler de vos lectures récentes et anciennes, liées ou non avec le ballon rond.

Un conseil de lecture ? Une bonne librairie ? =>> "You'll never read alone", le Gogol Doc: http://bit.ly/11R7xEJ.

  • John Six-Voeux-Berk le 06/10/2022 à 21h24
    J'aime beaucoup Annie Ernaux ; le Nobel fait bizarre dans son cas, mais me paraît bien moins scandaleux que celui de Modiano ou même celui de Le Clezio, voire de Claude Simon (était-ce l'époque des Nobel douteux de Jean-Claude Arnault ?).

    Son oeuvre est intéressante à la fois sur le plan formel ("Les Années" tout de même!) et sur le plan "existentiel" (elle nous aide saisir un peu mieux nos vies, à en faire quelque chose ; là où Modiano nous racontait des histoires embrouillardées qui avaient leur charme, mais ne disait rien de bien vivant à la plupart de ses lecteurs ; là où Modiano nous la montrait plus intense et absolue qu'elle ne l'est pour la plupart d'entre nous ; là où Claude Simon raffinait la technique pour ne pas dire grand chose). C'est de la littérature qui aide à vivre sa vie plutôt qu'une autre, sans tomber dans la résignation ou l'illusion romantique.

    Bon, la transfugite de classe d'Ernaux me fatigue parfois - et me semble montée en épingle ; mais beaucoup moins que chez Eribon (ou pire E. Louis), et surtout il y a beaucoup plus que cela dans son oeuvre.

    "Mémoire de fille" par exemple est un grand livre qui par sa justesse déjoue la plupart des clichés qu'on peut se former sur la "jeune fille".
    "Le jeune homme", son dernier, est un fond de tiroir assez peu intéressant du fait de sa brièveté.
    "Les Années" : tour de force impressionnant : l'histoire du siècle à partir de soi, avec un dispositif formel très visible mais réussi.
    "La place", le petit classique
    "L'événement", ça dépote.
    "Passion simple", c'est un peu vantard dans le genre "folle amoureuse", mais c'est plutôt impressionnant de rudesse.
    "Regarde les lumières mon amour" : assez ridicule ("je viens de dire que la client devant moi est Black ; est-ce mal de le penser ; comment le dire, alors ? Suis-je raciste ?")

    Non, pas tiède du tout, parfois un peu bien pensant peut-être, mais finalement presque toujours sauvé par une espèce de vérité et un travail formel évident.

  • Pascal Amateur le 06/10/2022 à 21h28
    Tu remets en cause Claude Simon ? Est-ce d'avoir rabâché à une époque les mêmes thèmes ? Ses premiers écrits, à défaut d'être passionnants, creusent tout de même la langue.

  • John Six-Voeux-Berk le 06/10/2022 à 21h36
    Claude Simon me semble très fort, il invente des dispositifs et des images géniales, qu'on n'oublie pas ; mais son fond "anthropologique" me semble beaucoup plus convenu. J'aime qu'Annie Ernaux se confronte à du vécu brut sans en passer par les modèles d'intelligibilité éprouvés (ou du moins en donne l'impression).

    Par un hasard un peu tordu, j'ai souvent lu Ernaux et Carrère en parallèle, et j'ai aimé que l'une ne cesse de s'interroger sur la consistance de son expérience pendant que l'autre n'en doutait jamais et se plongeait dans ses problèmes sans le moindre recul. La différence entre celle pour qui le "je" est un problème littéraire alors que pour l'autre c'est le fondement évident et indiscutable - une question de position sociale sans doute (et finalement Carrère a plié sous ce moi trop proche et écrasant).

  • Dani Hem le 07/10/2022 à 07h28
    J'aurais cité aussi "La honte"

  • Red Tsar le 07/10/2022 à 08h07
    « Madame, Madame, y a un grand qu'est méchant. Il arrête pas de critiquer mes copines et de froisser mon p'tit cœur. J'vais vous cafter son nom, Madame : B, A, L, T... Ah, vous voyez très bien de qui j'parle ? Vous voulez que j'aille chercher la règle sur votre bureau, Madame ? »

    Sinon, Michon, c'est très bien, sans conteste. Mais Ernaux elle a beaucoup influencé d'autres auteurs et ça me paraît normal que ce soit aussi pris en compte pour un prix, le fait de marquer la littérature. Vraie question, car je n'ai absolument aucune idée de la réponse : est-ce que c'est le cas pour Michon ?

  • Balthazar le 07/10/2022 à 10h05
    Bah c'est pas la quantité qui compte... Michon a influencé Balthazar, je sais pas ce qu'il te faut.

    Je ne lis pas assez de littérature contemporaine pour te répondre beaucoup plus sérieusement, mais je pense que Michon exerce une grande influence, oui, en partie souterraine, sur les livres qui s'écrivent en ce moment. Il y a son style très caractéristique, dont je reconnais souvent des échos ici ou là, et puis, plus évident encore, il y a ce genre des « vies » qu'il a grandement contribué à remettre au goût du jour. Difficile d'établir la généalogie des modes avec beaucoup de rigueur, mais il me semble indéniable que Michon a joué un grand rôle dans l'essor des récits de filiation, fictions biographiques, etc. C'est-à-dire qu'à mon avis son influence s'étend bien au-delà des auteurs qui pourraient se réclamer de lui.

    Dominique Viart (auteur de plusieurs livres sur la littérature contemporaine, notamment « La littérature française au présent ») associe d'ailleurs « La Place », paru en 1983, et les « Vies minuscules », parues l'année suivante, pour en faire le signe d'un certain « retour au sujet ».

    Mais tout ça, si tu veux mon avis, on s'en fout.

    Ce qui compte, c'est ça, pris au hasard dans les « Vies minuscules » :

    « C'est là ce que me fut Annecy, que je quittai un matin de janvier ou février. Le
    jour n'était pas levé encore, le gel poignait ; nous habitions très loin de la gare, j'avais
    plusieurs valises, stupidement encombrantes, lourdes des livres qui me suivent comme
    un bagnard son boulet ; Marianne et moi avions chacun un vélo solex. Nous y avons
    tant bien que mal arrimé les valises ; j'étais malheureux et furieux, j'avais froid, les traits
    de Marianne étaient enlaidis de sommeil : à peine eut-elle fait quelques mètres que le
    bagage dont elle s'était chargée tomba. J'eus horreur de mon indigence, de nos
    moufles et de nos passe-montagnes, des ficelles de pauvre rognant le mauvais carton
    des valises, de notre maladresse dans la banalité désastreuse ; j'étais un personnage
    de Céline partant en vacances. Je jetai mon solex dans le fossé, les valises éparpillées
    s'ouvrirent, la littérature haïe détala dans la boue ; sous les arbres noirs près du lac
    noir, ma silhouette gesticula, infime et forcenée, je criai dans le christus venit, insultai
    ma compagne comme un ouvrier qui part mal remis de la cuite de la veille, et dont
    l'épouse a oublié de préparer la gamelle ; j'aurais voulu être un de ces livres chavirés et
    insensibles que je piétinais. Marianne se mit à pleurer, tentant de remettre en place le
    pénible bât de bouquins, et les sanglots l'en empêchant : son pauvre visage, que
    déparaient le passe-montagne, le froid et le chagrin, me déchira : je pleurai à mon tour,
    nous nous embrassâmes, nous eûmes des tendresses d'enfant. À la gare, elle courut
    longtemps sur le quai le long du train qui m'emportait, maladroite et éclatante,
    m'envoyant des clowneries si mièvrement délicates en dépit des pleurs qui devaient lui
    barrer la gorge, si risiblement trottinante et admirable d'espoir, que je pleurai longtemps
    encore dans le wagon surchauffé. »

    Je suis intimement convaincu (et je ne crois pas que ce soit une opinion spécialement originale) que lorsqu'on fera les comptes dans cinquante ans, dans ce qui restera du monde s'il en reste quelque chose, on s'apercevra que Michon, « nobélisé » ou non, a été bien plus important que Le Clézio, Modiano et Ernaux réunis.

  • Pascal Amateur le 07/10/2022 à 10h55
    La question me semble surtout : qui a influencé Michon – car il a sans doute poussé une écriture dans ses retranchements, mais de là à inventer cette "poésie minuscule", j'en serais fort surpris. Vous cherchez des pères, mais les frères et les sœurs sont innombrables en littérature, et on en est le plus souvent sans y avoir pris garde.

  • Mitch le 07/10/2022 à 10h58
    Je crois, cher Balthazar, que ton passage de Michon - que je n'ai pas lu, pas plus que Modiano, Ernaux ou Le Clézio, je suis décidément un piètre lecteur - n'est pas du tout pris au hasard. Et c'est bien, c'est très beau, même si je ne sais pas si ce genre de trucs est tenable sur un livre en entier.

    C'est le problème des phrases trop belles, des exercices de style: un livre c'est long, ça respire, on peut pas être parfait tout le temps. Tu t'en doutes puisque tu donnes dans le proustien: le roman, quand il est bien écrit, c'est une succession d'îlots de grâce que séparent des bras de mer ordinaire dont on ne peut pas garder le souvenir (ou plutôt, dont il est mauvais signe de garder le souvenir).

    Je sais plus pourquoi je disais ça. Peut-être pour dire que, moi qui ne connaît de la littérature que ce que j'ai retenu de deux ans de sous-khâgne, c'est à dire pas grand chose et surtout de l'alimentaire à concours, le positionnement d'Ernaux face à son œuvre et au monde dans lequel elle vit me touche plus que celui d'autres auteurs et que j'ai bien envie de la lire. Et après je lirai Michon parce que si son christus venit m'agace, sa tristesse du départ dans les matins d'hiver me touche. Comme ça j'aurai une idée, moi aussi.

  • Pascal Amateur le 07/10/2022 à 11h03
    Extrait choisi sans doute, mais la poésie de Michon ne se résume pas à quelques éclairs et éblouissements ; ils sont à foison. Les "Vies minuscules" éclatent de joliesses, de trouvailles. La question est peut-être en effet, comme chez Céline et d'autres, si l'auteur n'a pas trouvé là une formule à décliner – son "Rimbaud" a des beautés moins naturelles, d'autres ouvrages aussi. Mais non, je ne crois pas qu'on puisse suspecter l'extrait donné par Balthazar d'être rare ; c'est justement ce qui frappe, cette longueur en bouche poétique, qui se réassure constamment.

  • John Six-Voeux-Berk le 07/10/2022 à 11h16
    Justement, tout est un peu comme ça chez Michon, à saturation ; comme pour se prémunir d'une illégitimité fondamentale de l'écriture. Sa croix particulière - partagée avec Bergounioux.
    Cette richesse étouffe au premier abord ; j'ai mis plusieurs années à dépasser les premières pages de "Vies minuscules".
    Cette saturation, je crois, explique autant la séduction de Michon sur les écrivains que l'interdiction de suivre sa voie maudite.
    A l'inverse, Annie Ernaux propose un rapport à soi, plus qu'une idée nette du style ou de l'écriture, et en ce sens, propose davantage au lecteur ordinaire (pour son propre compte de vivant), et surtout ouvre davantage de pistes aux écrivains. Chez Michon, la forme nourrit et rachète sans cesse l'imposture sociale et le sentiment d'infériorité (cf. la thématique de la "Belle Langue") ; chez Ernaux, malgré le pathos sociologisant, on gagne vaillamment une légitimité grâce au travail. La littérature est religion chez l'un, un outil ("un couteau" dit-elle) chez l'autre.
    Pour reprendre la métaphore de Gracq, je vois davantage Michon comme un terminus et Ernaux comme un embranchement d'aiguillage.